« Nous affirmons
qu’une grande partie
de ceux qui sont condamnés
aux supplices éternels
subissent ce châtiment sans fin
à cause de leur ignorance
des mystères
qu’il est nécessaire
de savoir et de croire
pour être placés parmi les élus. »

(Saint Pie X, Lettre encyclique Acerbo nimis, 15 avril 1905)

 

 PRÉFACE

Les textes que l’on va lire ont changé la vie de beaucoup… Dans sa prédication, le Sauveur a clairement et souvent parlé de l’Enfer, non en tant qu’image servant à désigner autre chose, mais en tant que réalité (cf. Mt 13.36-46). LÉvangile ne change pas et doit être prêché dans son intégralité (cf. Ga 1.6-8 ; 2 Co 2.17). Rejeter un seul dogme de la Foi, c’est ne plus avoir la Foi, qui est Une, comme la Vérité, et Dieu, dont elle est la révélation. La Foi catholique ne demande pas de croire à des hypothèses, et l’Enfer n’est pas une hypothèse, mais le refus existentiel de Dieu par une liberté créée, et cela depuis que Lucifer s’est préféré à Dieu, inaugurant ainsi son royaume à lui, bien à lui, tout à lui, qui ne dépende en rien de Dieu. A sa suite y entrent tous ceux qui n’aiment pas Dieu et leur Sauveur (cf. Mc 16.16).

Tous les malheurs, de tous les hommes, depuis le premier jusqu’au dernier, ne sont rien à côté du malheur d’une seule âme damnée… Car tous ces malheurs auront un jour une fin, mais le malheur d’une âme damnée n’aura jamais de fin… Jamais ! Jamais ! Et cela est logique, car refuser le Bien infini implique de souffrir de son manque éternellement…

Un des arguments majeurs pour rejeter le dogme de l’Enfer consiste à avancer l’infinie Bonté et la Toute-puissance de Dieu que l’on imagine incompatibles avec les souffrances indicibles endurées par des créatures auxquelles Dieu a pourtant donné tant de preuves de son Amour. Mais le malheur et la souffrance en ce monde prouvent la capacité de Dieu à souffrir le péché et ses conséquences… Si Dieu, pour qui « un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour (2 P 3.8) » ne devait pas accepter l’existence de l’Enfer après la mort, pourquoi l’accepte-t-Il avant ?

La raison nous dit qu’il doit y avoir une sanction au mal librement accompli, mais, laissée à ses seules forces, la raison ne peut affirmer que cette sanction est l’Enfer éternel. Nous ne savons l’existence de l’Enfer éternel que par la Révélation, aussi la voyons-nous apparaître seulement avec le christianisme. Ni les religions du paganisme, ni les mythologies, ni les philosophies n’ont connu ce dogme. Le déisme le rejette. Dans la plupart des religions anciennes, la vie d’outre-tombe ne comportait pas de sanction pour les fautes de la vie terrestre. Et quand intervient l’idée de sanction, elle ne donne pas toujours naissance à un Enfer de châtiment ou n’implique pas une coupure d’avec la vie des bienheureux : on pense parfois à une sentence d’anéantissement, ainsi dans l’ancienne Égypte, ou bien à une série de réincarnations purificatrices. Dans le christianisme, toutes les tentatives de rationalisation du dogme ont abouti à le nier.

Impuissante à découvrir l’Enfer, la raison ne peut pas le comprendre. L’Enfer est certain, mais la miséricorde est certaine aussi. Ce n’est pas Dieu qui rejette le pécheur, mais le pécheur qui rejette Dieu. Dieu souffre ce rejet, mais Il n’en est pas la cause. Dieu ne veut pas d’une soumission contrainte. S’Il nous a créés libres, c’est justement pour que nous puissions L’aimer, librement, Lui, et tout ce qu’Il aime. Une fois mort, l’homme ne peut plus changer sa volonté, c’est pourquoi le damné ne peut plus ne pas haïr Dieu, et le bienheureux ne pas jouir enfin pleinement du bonheur qu’est Dieu même. Éternellement, le damné restera fixé dans son refus[1]. En lui, la haine de Dieu ne se montre pas seulement dans la malice d’actes particuliers, mais elle est devenue son état.

A Fatima, la Sainte Vierge a montré l’Enfer où les âmes tombent comme des flocons de neige en hiver « parce qu’il n’y a personne qui prie et se sacrifie pour elles (13.07.2017) »… Pour vous aider à éviter ce malheur infini et recevoir le bonheur éternel que Dieu vous destine, je suis heureux de vous offrir ce livret. Son contenu est tiré de Judas est-il en Enfer ? Réponses à Hans Urs von Balthasar, DMM éditions, 2017. Vous pouvez vous procurer en le demandant à : [email protected],
Vous pouvez télécharger ce livret ici.

Abbé Guy Pagès

____________

Pour notre salut, Dieu voulut que sainte Brigitte (1303-1373) assistât au jugement particulier de certaines âmes, lui ordonnant d’écrire ce qu’elle verrait, ce qu’elle fit en ses Révélations (Seguin Aine, Avignon, 1850, t.4. p.128+), dont voici quelques extraits : « J’ai plusieurs enfants, c’est-à-dire des chrétiens, qui sont pris dans les lacets du démon. Je veux leur envoyer mes Paroles par votre entremise. Si Je vous montrais la beauté, l’éclat des anges et des âmes bienheureuses, votre corps ne les saurait supporter, il se romprait de la joie que votre âme recevrait de cette vue. De même, si vous voyiez les damnés comme ils sont, vous mourriez subitement d’effroi à raison de leur horreur. Vous verrez donc les choses spirituelles comme si elles étaient corporelles. Tout vous sera représenté avec similitude, car vous ne pourriez autrement comprendre. »

 « … La Très Sainte Vierge Marie dit à sainte Brigitte :

Je suis la Mère de Miséricorde, je veux montrer par similitude la peine du péché, afin que les amis de Dieu soient fervents en son Amour, et que les pécheurs, sachant le danger, fuient le péché. Il n’y a pas de pécheur si coupable que je ne sois prête à aller au-devant, et à qui mon Fils ne soit disposé à donner la Grâce et à pardonner, s’il demande Miséricorde.

I

Sainte Brigitte vit une femme qui rampait par terre, dans une boue infecte, et dont le cœur était arraché, les lèvres coupées, les narines rongées, et les yeux suspendus à deux nerfs tombant sur les joues. Elle n’avait plus de crâne et son cerveau bouillait comme du plomb fondu. Son cou était coupé sans relâche par un fer très aigu ; sa poitrine ouverte était pleine de vers qui grouillaient l’un sur l’autre. Un serpent l’enserrait, courait sans cesse par tout l’intérieur, ne lui laissant ni trêve ni repos, et l’infiltrait de son venin.

Et cette infortunée criait à sa fille encore vivante :

            « Entends, lézarde et fille maudite ! Malheur à moi qui ai été votre mère et qui vous ai mise au nid de l’orgueil où vous croissez, malheur à moi ! Autant de fois vous tournez les yeux superbement sur quelqu’un comme je vous ai enseigné, vous jetez à mes yeux un venin tout bouillant, avec une intolérable ardeur. Chaque fois que vous proférez des paroles orgueilleuses ainsi que vous m’en avez entendu proférer, j’avale des breuvages horribles.

            « Quand vous écoutez les louanges sur votre corps bien proportionné et désirez les honneurs du monde, ce que vous avez appris de moi, autant de fois frappe à mes oreilles un son terrible avec un vent. Et d’autant que j’ai fait toutes choses pour l’amour du monde et pour la vanité, mes oreilles entendront toujours cet horrible fracas, et jamais les mélodies célestes. Malheur à moi, misérable, assaillie de tant de maux, et plongée pour toujours dans une irrémédiable infortune !

            « Vous vous enorgueillissez de votre haute naissance, et les entrailles qui vous ont portée sont la proie des démons. Comme les vôtres, mes désirs ne tendaient qu’à tout ce qui est pourriture et ordure, à la longue vie dans les mêmes passe-temps.

            « Mais pourquoi me plaindre à vous, ma fille ? Vous ne faites que ce que je vous ai enseigné de faire. J’étais créée pour la Gloire céleste et belle comme un ange. Je me suis rendue difforme en abusant de tout ; j’ai perdu le temps qui m’était donné, fuyant les prédications comme de la poix, de peur qu’elles ne me détournassent des délices corporels. Et si quelquefois, pour le respect des hommes, j’entendais la Parole de Dieu, elle sortait aussitôt de mon cœur.

            Et néanmoins, ma conscience me disait que le temps était court, le Jugement de Dieu effroyable ; mais le désir de me satisfaire répliquait faussement que le jugement de la Fureur divine n’était pas si sévère et que ma vie serait longue. Ces suggestions renversaient ma conscience, et je suivais mes désirs mauvais pour lesquels je souffre pour l’Eternité tant de maux. »

Et s’adressant à sainte Brigitte, l’infortunée lui dit :

            « Si vous me voyiez véritablement comme je suis, vous mourriez d’effroi, car tous mes membres sont des démons. L’Écriture est vraie qui dit que les justes sont membres de Dieu ; de même, les pêcheurs sont membres du diable. Les démons sont comme cloués à mon âme, ils me rongent sans jamais se rassasier. Ma fille, en suivant ma malice, augmente la peine qui ne cessera point. Ma douleur, mon malheur, jamais ne s’adouciront. Ma conscience entend et ressent que le Jugement de Dieu est juste. Ma volonté est maintenant comme l’homicide et le parricide : je désire toutes sortes de maux à mon Créateur qui m’a été si doux, si bon durant ma vie, usant de mille industries pour me ramener à Lui. Et je me réjouis d’une joie de démons, prenant sa source en un infini désespoir, de ce qu’Il n’aura pas de consolation de moi. »

            La fille de cette malheureuse mère, après le récit de sainte Brigitte, quitta le monde, entra dans un monastère et fit pénitence tout le temps de sa vie avec grande perfection.

II

            Sainte Brigitte eut la vision terrible du jugement d’un homme et d’une femme qui s’étaient unis dans un mariage interdit par l’Eglise, et furent condamnés à l’Enfer.

            « Je vis, dit-elle, un homme dont les yeux étaient arrachés et pendaient aux joues par de petits nerfs. Il avait les oreilles comme d’un chien, la bouche ainsi qu’un loup farouche… une femme était auprès de lui, les cheveux comme un buisson d’épines ; ses yeux étaient au derrière de la tête, ses oreilles coupées, son nez plein de pourriture, sa langue un aiguillon venimeux. »

            Et l’ange dit à la sainte :

            « Les cheveux de cette femme ressemblent à un buisson d’épines car les cheveux qui ornent sa face signifient la volonté qui désire plaire à Dieu, et cette volonté orne et enrichit l’âme ; mais la volonté de cette femme était de plaire au monde plus qu’à Dieu. Ses yeux sont au derrière de sa tête car elle les détournait du but que Dieu lui fixa en la créant, la rachetant et la favorisant de diverses manières. Elle ne voulut regarder que les choses passagères jusqu’à ce qu’elles se soient évanouies de sa présence. Ses oreilles sont coupées, car elle se souciait peu du Saint Evangile. Elle enlaçait le cœur de son compagnon et le provoquait au mal plus durement et plus cruellement que par la morsure du serpent. Elle et lui s’éloignaient des prédications de peur d’avoir à considérer comment ils pouvaient se retirer du péché, et avec la Grâce de Dieu faire de bonnes œuvres.

            « Cet homme ne se souciait nullement du Nom et de l’Honneur de Dieu ; il désirait ce que les autres possédaient ; il se courrouçait et, dans sa colère, il ne s’inquiétait point que les âmes tombassent en Enfer pourvu qu’il se vengeât. Et jusque dans la mort, il a voulu retenir ce qu’il a pris à autrui. »

            Le démon s’avança, un trident à la main, et à l’un de ses pieds, trois griffes aiguës d’une longueur extrême.

            « Ô Juge, dit-il, c’est maintenant mon heure, j’ai attendu, mais mon temps est venu. »

            Et le Juge ordonna ainsi aux coupables : « Dites ce que vous avez fait, bien que je le sache. »

            L’homme répondit : « Nous connaissions la défense que l’Eglise fait de tels mariages, mais nous l’avons méprisée. Bien que nous sachions que nous offensions Dieu, nous avons enfreint ses Commandements. »

            Le Juge : « Je vous avais donné une conscience pour vous guider et remplir votre vie de mérites ; que M’apportez-vous maintenant ? »

            La femme répondit lamentablement : « Juge ! Nous n’avons cherché que les délices de la terre, et nous n’apportons que la confusion misérable : nous aurions voulu la vie perpétuelle avec la félicité mondaine ; nous ne désirions pas le Ciel, préférant jouir du monde selon nos souhaits. »

            Le juge dit au bourreau : « Rendez ce qui est juste. »

Et le démon enfonça la deuxième de ses griffes dans les entrailles de tous deux et les déchira effroyablement.

            Le juge : « Je vous avais donné des talents, des biens. Où est le trésor que Je vous avais prêté pour le faire fructifier ? »

            Et tous deux, d’une voix dont rien ne saurait dire ni plaindre le désespoir : « Nous l’avons foulé aux pieds, car nous cherchions un trésor terrestre et non un Trésor éternel. »

            Le Juge dit au bourreau : « Donnez ce que vous devez rendre. »

            Et le démon enfonça à l’instant sa troisième griffe dans leur cœur, leurs entrailles et leurs pieds, de sorte qu’ils ne ressemblaient plus qu’à un bloc informe.

            Et le juge dit à sainte Brigitte :

            « Ma fille, ceux là méritent pareils éternels supplices, qui s’éloignent de leur Créateur pour la créature et méprisent mes Commandements. Réjouissez-vous, ma fille, réjouissez-vous, mes fidèles, de ce que vous êtes séparés de telles choses ! »

IV

             Sainte Brigitte étant en prières, vit un palais d’une grandeur incommensurable, où se trouvait une multitude d’hommes aux vêtements éclatants. Il y avait sur un trône, en ce palais, comme dans un soleil, un Juge, et la splendeur qui sortait du soleil était incompréhensible en longueur, largeur et profondeur. La très Sainte Vierge était debout auprès de ce soleil.

            Un démon terrible à voir et qui marquait en ses gestes être plein d’envie et enflammé d’une grande colère, criait afin de pouvoir tourmenter à son gré un homme qui, vivant encore, n’avait plus que quelques instants à vivre.

            « Ô Juge ! Voyez les œuvres mauvaises de cet homme, jugez-le, car il lui reste peu de temps à vivre. Et permettez-moi de punir le corps avec l’âme jusqu’à ce que la réparation en soit faite ! »

            L’ange gardien de cet homme intervint : Ô Juge ! Voici les bonnes œuvres qu’il a faites jusqu’à cette heure ! »

            Le Juge : « Il y a là plus de vices que de vertus. Il n’est pas juste et équitable que le vice soit uni à la souveraine Vertu. »

            Le démon : « Il est donc juste que cette âme me soit unie, car elle a quelques vices en elle. De même qu’en moi, il y a toutes sortes de méchancetés. »

            L’ange : « La Miséricorde de Dieu suit jusqu’au dernier moment de la vie, et après la mort le jugement se fait. Or, en cet homme, l’âme et le corps sont unis, et le libre-arbitre et la raison ne l’ont pas encore abandonné. »

            Le démon : « L’Ecriture dit : vous aimerez Dieu sur toutes choses et le prochain comme vous-même. Voyez donc que toutes les œuvres de celui-ci sont faites sans amour, et quant aux péchés dont il s’est confessé, c’est avec une très petite contrition ; il mérite l’Enfer car il a démérité le Paradis. »

            L’ange : « Il a certainement espéré obtenir la contrition avant de mourir. »

            Le démon : « La Justice de Dieu, de toute l’Eternité, veut qu’aucun n’entre au Ciel sans avoir eu la parfaite contrition, laquelle il n’a pas. Il est impossible que Dieu juge contre l’Ordre et la Disposition qu’Il a prévus de toute Eternité. Donc, il faut que cette âme soit adjugée à l’Enfer, et la joindre avec moi aux peines éternelles. »

            L’ange ne sut rien objecter à ces paroles… Et l’on vit une multitude de démons, qui criaient tous à Celui qui était assis sur le trône :

            « Nous savons que vous êtes un Dieu en Trois Personnes, sans commencement ni fin ; rien n’a joie sans Vous qui êtes l’Amour et la Miséricorde, mais vous êtes aussi la Justice : pas une âme sans la contrition n’a obtenu le Ciel. Pourquoi donc, ô Juge, tardez-Vous à nous adjuger cette âme afin que nous la punissions selon ses œuvres ? »

            Soudain, un son éclatant comme une trompette se fit entendre, et une voix prononça ces mots : « Silence ! Ecoutez, ô vous, anges ! Prêtez oreille aussi, démons ! Entendez ce que dit la Mère de Dieu ! »

            Et à l’instant, la divine Marie parut devant le trône du Juge, et là, ayant ouvert les deux cotés de son manteau, on aperçut des femmes, des hommes, des religieux, tous amis de Dieu. Ils criaient d’une même voix disant : « Ô Dieu miséricordieux ! Miséricorde pour cette âme ! »

            Puis, il se fit un grand silence et l’auguste Vierge parla :

« L’Écriture dit que celui qui a la Foi parfaite peut transporter des montagnes, que peuvent donc faire ces voix des justes qui ont l’Amour ? Que feront les amis de Dieu pour cet homme qui leur a demandé de prier Dieu, afin qu’il pût éviter l’Enfer et obtenir le Ciel ? Il les a libéralement secourus, ne demandant d’autre récompense que leurs prières pour obtenir le Ciel. Et moi, j’ajouterai ma prière à leur prière. »

            Alors, parla le Juge :

« Pour les prières de ma Mère et de mes amis, cet homme obtiendra avant de mourir la contrition parfaite, de sorte qu’il ne descendra point en Enfer ; mais il sera purifié avec ceux qui, ayant commis de grands péchés, endurent de grandes peines dans le Purgatoire. Et cette âme étant purifiée, aura la récompense du Ciel avec ceux qui, sur terre ont eu la Foi et l’Espérance, avec quelque petite Charité. »

            Ces choses étant dites, les démons s’enfuirent.

Peu après cette vision, sainte Brigitte vit un lieu fort terrible. C’était une fournaise ardente, large et profonde comme une mer, où le feu n’avait autre chose à brûler que les démons et les âmes toutes vivantes ; et sur cette fournaise, apparut l’âme dont nous avons vu le jugement. Or, les pieds de cet homme étaient comme attachés à la fournaise et le feu se poussait vers eux, ainsi que l’eau poussée en haut par le tuyau, de sorte que ses pores étaient comme des veines ouvertes d’où sortait le feu. Ses yeux étaient enfoncés, ses dents comme des clous de fer attachés au palais, ses bras étaient si tendus qu’ils allaient jusqu’aux pieds, et de ses mains gouttaient une poix ardente. De la peau, qui semblait être sur l’âme comme sur un corps, procédait une puanteur si horrible qu’on ne saurait la comparer à la plus infecte, à la plus pernicieuse puanteur.

            Ayant donc vu cette effroyable calamité, sainte Brigitte entendit la voix de cet homme, qui criait avec un déluge de larmes :

            « Malheur ! Malheur ! Malheur ! Malheur que j’aie aimé si peu Dieu pour ses grandes Perfections et les Grâces dont Il me comblait. Malheur que je n’aie pas considéré la Passion qu’Il souffrit avec grand Amour pour l’homme ! Malheur à moi de n’avoir pas craint sa Justice comme je le devais ! Malheur à moi d’avoir aimé les plaisirs de mon corps qui m’ont conduit au péché ! Malheur à moi pour mon orgueil et mon ambition des richesses ! Malheur à moi de vous avoir connus, ô Louis et Jeanne ! »

            L’ange dit à sainte Brigitte : « L’Enfer brûle de telle sorte que, si tout ce qui au monde brûlait, il n’entrerait pas en comparaison de la violence de ce feu. On entend de cette fournaise sortir d’horribles voix, toutes contre Dieu, et toutes commencent par : Malheur ! Et finissent par Malheur ! Le supplice de cet homme au-dessus de l’Enfer est très cruel et doit durer jusqu’à la fin du monde, s’il n’est pas secouru par ses amis. »

            Et avec force, l’ange ajouta : « Béni soit celui qui étant sur terre, vient au secours des âmes par des prières, ses œuvres et par le travail de son corps. La Justice de Dieu ne peut mentir, elle dit que les âmes peuvent être soulagées et affranchies par ces moyens. »

            En ce moment, on entendit plusieurs voix qui du Purgatoire, suppliaient lamentablement : « Ô Seigneur Jésus-Christ ! Juste Juge ! imploraient-elles, envoyez votre Amour et votre Charité en ceux qui vivent au monde. Que Dieu récompense ceux qui nous envoient du secours ! »

V

            Sainte Brigitte entendait une fille criant à sa mère, qui vivait encore :

            « Ecoutez, ma mère : Malheur à moi ! Vous m’avez montré un visage doux mais vous avez été pour moi un bourreau. Vous m’avez cruellement pressé le cœur en me donnant de mauvais conseils et de mauvais exemples.

            « Le premier conseil a été de m’attacher à plaire, à aimer et à être aimée selon le monde, à vivre avec joie corporelle. Le deuxième a été de dépenser prodigalement les biens pour avoir le repos, les plaisirs et pour l’honneur du monde.

            « Vous m’avez appris une façon et mode de m’habiller avec un décolletage savant, des gants façonnés à mes mains, des souliers mignons aux pieds et mille artifices de la vanité, toutes choses odieuses à Dieu. Ma superbe fut brillante, et l’ostentation, fille de la superbe, donna tant d’éclat à mes yeux que je fus aveuglée sur ma fin dernière que je ne considérais point.

            « Vous m’avez appris à faire quelques bonnes œuvres sans quitter le péché, et que je vivrais longtemps ; que l’heure de la mort n’approcherait point, que je pouvais pécher sans avoir une grande peine.

            « Je me confessais, et par l’humilité de la confession, j’avançais d’un pas ; puis, soudain, je retombais comme celui qui chemine sur la glace, car je voulais le péché, appuyant, selon votre conseil, mes espérances en mes œuvres, sans que jamais j’aie considéré la Justice divine et que mes péchés étaient grands et mes bonnes œuvres fort petites.

            « Et la maladie et la mort prompte arrivèrent, et les démons me saisirent, me donnèrent de grandes peines et douleurs, et j’étais moquée avec une confusion insupportable.

            « Malheur donc à moi, ô ma mère, car tout ce que j’ai appris de vous avec joie, je le pleure maintenant avec amertume ! »

            Et s’adressant à sainte Brigitte, l’infortunée ajouta :

            « Vous qui ne pouvez me voir dans mon véritable état, entendez : ma tête et ma face sont un tonnerre qui fulmine au-dedans ; mon col est dans une presse garnie de clous ; mes bras et mes pieds sont comme des serpents ; mes veines sont pleines d’un vent violent : elles se serrent dans le cœur et éclatent à cause de sa fureur.

            « Mes épaules, ma gorge, ma poitrine sont rongées, dévorées sans relâche, ce qui montre la vraie Justice divine, car elles offensèrent la pudeur, et mon cœur était lié aux choses passagères.

            « Néanmoins, je suis en la voie de la Miséricorde, car la mort s’approchant, la considération de la Passion de Jésus-Christ me vint à l’esprit, et qu’elle était beaucoup plus douloureuse que la maladie dont je souffrais ; et je dis : Ô Seigneur ! Je crois que Vous êtes mon Dieu, ayez Miséricorde de moi, ô Fils de la Vierge, pour l’Amour de votre amère Passion. J’amenderai maintenant ma vie si j’en ai le temps.

            « Et soudain, je fus illuminée d’une étincelle de Charité en mon cœur, de sorte que la Passion de Jésus me semblait plus amère que ma souffrance… Je mourus aussitôt et mon âme vint aux mains des démons pour être présentée au Jugement de Dieu, car il était indigne que les anges d’un grand éclat et d’une grande beauté portassent mon âme si difforme.

            « Or, au Jugement de Dieu, les démons criant que mon âme fût condamnée à l’Enfer, puisqu’elle avait vécu pour les biens temporels, ne voulant prendre garde à ce que mon Rédempteur avait fait pour moi, le Juge répondit :

            « Je vois une étincelle de Charité en son cœur, et partant, je condamne l’âme à être purifiée dans les tourments jusqu’à ce que l’étant dignement, elle mérite de Me posséder. »

            « Par cette grande Miséricorde, et bien que je regorge de douleurs et de maux, je suis au lieu de l’Espérance. »

VI

            Sainte Brigitte voyait un Jugement, l’âme d’homme qui, sur la terre, avait été comblé de prospérités, et il était damné. Cette âme avait la forme d’un horrible animal ; elle ressemblait au démon qui l’accusait devant le Juge :

            « Donnez-moi, ô Juge, cette âme, puisque vous êtes juste. Vous l’aviez créée des ferveurs de votre Amour, et elle Vous était semblable ; mais ayant méprisé votre Douceur et vos Préceptes, elle est devenue semblable à moi. »

            Le Juge répondit : « Bien que Je sache toutes choses, néanmoins, dites pour ma fille (sainte Brigitte), quel droit y avez-vous ? »

            Le démon : « Cet homme avait des yeux et n’a jamais voulu voir ce qui concernait le salut de son âme ; les choses spirituelles ne lui plurent jamais, il s’amusait aux choses temporelles. Tout ce qu’il faisait, qui avait quelque apparence que c’était pour l’Amour de Vous, c’était pour l’honneur du monde. Il avait des oreilles, mais ne voulait rien entendre de ce qui revenait à votre Gloire. Sa bouche était ouverte à toutes les suavités et cajoleries du monde, et close à la prière et à vos Louanges. Il ne Vous aima jamais ni ne prit goût à vos Avertissements ; il n’approcha jamais de Vous par Amour ni par bonnes œuvres. Sa volonté fut toujours contraire à vos Commandements et sa cupidité était sans borne. Donnez-moi cette âme qui m’est semblable. »

            Alors, un des anges approcha et dit au Juge :

            « Seigneur Dieu ! Après que cette âme fut unie au corps, je la suivis toujours et ne m’en séparai point tant que je trouvai en elle quelque bien. Cet homme fut uni au mariage à une femme qu’il aimait tendrement et garda la fidélité du mariage parce qu’il l’aimait et non pour votre Amour, ne considérant en rien l’Honneur de Dieu et l’accomplissement de ses Volonté. Il entendait des Messes et assistait aux Offices, non par esprit de dévotion, mais afin qu’il ne fût pas séparé des chrétiens et noté par eux. Son cœur était en tout rebelle à Dieu et obéissant à la chair. Il se rendait néanmoins à l’Eglise afin d’obtenir de Vous la santé corporelle et que Vous lui conservassiez les richesses et les honneurs du monde. Ô Seigneur ! Vous avez plus donné à cet homme qu’il ne Vous a servi sur terre. Vous lui avez donné la santé, des enfants remarquables ; Vous lui avez conservé les richesses et l’avez protégé des infortunes qu’il redoutait. Vous lui avez donné cent pour un, et tout ce qu’il a fait de bien a été récompensé en prospérités temporelles, comme il le voulait uniquement. Or, maintenant, je le laisse comme un sac vide de tout bien. »

            « Donc, ô Juge, reprit le démon, adjugez-le-moi. Je suis plein de malice et je n’ai pas été racheté, cet homme est comme un autre moi. Vous avez dit que nul ne devait en rien tromper son prochain, et cet homme l’a fraudé et trompé. Vous avez dit que nul ne doit aimer la créature par-dessus son Créateur, or, cet homme a aimé toutes choses, hors Vous. Il a vendu l’Amour de Dieu pour son amour-propre. »

            Le Juge : « Pourquoi vous réjouissez vous tant de la perte d’une âme ? »

            Le démon : « A cause de l’envie enragée qui me déchire. Quand cette âme brûle, je brûle plus ardemment ; mais Vous l’avez rachetée par votre Sang et l’avez tellement aimée que Vous Vous êtes donné à elle. Quand je la puis arracher de Vous, je me réjouis. »

            Le Juge s’adressant à l’âme :

            « Que dites-vous de vous-même ? »

            L’âme, avec de grandes larmes, répondit :

            « Ma conscience profère mon jugement ; il faut que je suive aux peines ceux-là dont je suivis les suggestions sur terre. »

            Et soudain sept démons s’approchèrent et le prince des démons ordonna :

            « Vous, esprit de superbe, vous avez possédé cette âme dedans et dehors, entrez en elle et serrez-la si fortement que le cerveau, les yeux, les os, tout s’écoule et se fracasse.

            « Vous, esprit de cupidité, entrez en elle avec un venin très ardent, et comme un plomb fondu, brûlez-là misérablement. Qu’elle soit riche des confusions éternelles et des malheurs qui n’auront jamais de fin.

            « Vous, esprit de rébellion et de mépris de la Religion, elle vous a plutôt obéi qu’à Dieu, entrez en elle, comme un glaive très aigu qui perce le cœur sans en sortir jamais.

            « Vous, esprit de gourmandise, brisez-la de vos dents, déchirez-la sans cesse et sans la consommer ; elle a consenti à toutes les intempérances.

            « Vous esprit de vaine gloire, entrez en elle et ne sortez jamais de sa bouche. Que toute la joie et l’honneur qu’elle cherchait au monde, soient changés en pleurs, misères et hontes éternelles. »

            Les démons emportèrent leur proie et disparurent sauf le prince des démons.

***

            Et voici qu’une âme, comme une brillante étoile montait de la terre au Ciel, et le Juge dit au démon :

            « Regarde, Je te le permets. »

            En voyant la lumineuse étoile, le démon resta muet. Notre Seigneur reprit :

            « A qui est-elle semblable ? »

            Le démon reprit avec rage : « Elle est plus luisante que le soleil, comme je suis plus noir que la fumée, elle est toute pleine de douceur et moi, je suis plein de malice et d’envie. »

            « Que ferais-tu pour qu’elle fût en ta puissance ? »

            Le démon répondit avec force : « Je descendrais du plus haut du Ciel jusqu’à l’Enfer pour l’avoir en ma puissance. »

            « Ta malice est grande contre mes élus, et Moi, Je suis si charitable que, s’il était besoin, Je mourrais encore une fois pour chaque âme, et J’endurerais pour chacune d’elles le même supplice que J’ai enduré sur la Croix pour toutes les âmes. »

            Le démon s’enfuit, et alors Notre Seigneur dit à cette âme bienheureuse qu’on voyait comme une étoile monter de la terre au Ciel :

            « Venez, ma bien-Aimée, jouir du Bonheur ineffable que vous avez tant désiré, venez à Moi, quittant le monde semblable à la douleur et à la peine et en qui tout est misère. Venez à notre Dieu et Seigneur, venez à la Douceur qui ne finira jamais. »

            Et s’adressant à sainte Brigitte, Notre Seigneur lui dit :

            « Cette âme que vous voyez rayonnante comme une étoile, en s’approchant du dernier moment de sa vie, vint en Purgatoire, et ce Purgatoire était son corps dans lequel elle a été purifiée par ses douleurs et ses infirmités. Sa joie a commencé dans la tristesse, et la voilà pour toujours dans les contentements indicibles, sans mesure et sans fin.

            « Savez-vous, ma fille, pourquoi je vous montre ces choses ? C’est afin que les bons voient la récompense et que les mauvais, sachant cet horrible jugement, se convertissent. »

***

Une dame, célèbre par sa beauté et ses élégances, suivait en tout ses fantaisies et abhorrait la confession… Atteinte d’une tumeur à la gorge, elle mourut sans se confesser. Au jugement de Dieu, tous les démons l’accusaient, criant au Juge : « Voici cette femme qui a voulu se cacher de Vous, et être connue de nous ! »

Le Juge : « La confession est une bonne blanchisseuse. Puisqu’elle n’a pas voulu s’humilier devant un seul, qu’elle soit confondue devant tous et noircie de vos immondices. Elle méprisait l’étendard de ma Croix en disant : ‘À quoi cela me sert-il ? Qu’il satisfasse ici mes appétits et mes désirs et garde Son Royaume et Son Ciel. J’aime mieux les perdre que de quitter mes volontés.’

            Pour le bien qu’elle a fait, elle a reçu dans le monde sa récompense, car elle ne méritait pas d’être affligée sur terre, mais ses tourments sont éternels ; d’autant qu’elle aurait désiré vivre éternellement pour pécher éternellement […]. Dites à ma fille (Sainte Brigitte) quel supplice a mérité cette âme qui a plus aimé la créature que le Créateur, recherchant les plaisirs et se souciant plus du monde que de Dieu.

            Pour la superbe qu’elle a eue en tous ses membres, sa tête, ses bras, ses mains, ses pieds sont allumés d’un feu horrible. Les serpents l’environnent, la rongent, la déchirent sans cesse avec désolation continuelle. Ses entrailles sont misérablement tourmentées, comme si avec une grande force, on s’efforçait d’y planter un pal. Ses pieds avec lesquels elle se portait aux délices, sont comme des rasoirs aigus qui la taillent incessamment. »

***

Sainte Brigitte vit un prince à qui les démons préparaient quatre chambres par lesquelles il fallait qu’il passât.

Dans la première, il fut accablé d’un poids écrasant et il s’écria en pleurant : « Malheur à moi, d’avoir plus aimé ce qui est beau que ce qui est utile, d’avoir eu la vertu en haine, les bons exemples et les prédications en aversion, car j’avais résolu en mon cœur de suivre mes volontés, ne me souciant ni de croire ni de connaître la Vérité ! Il est donc juste que je sois abattu sous le talon du diable. »

Dans la deuxième chambre, un torrent de poix et de flammes roula sur lui, et il gémit horriblement : « Malheur à moi ! Malheur éternellement ! J’ai aimé d’être aimé, loué, exalté, fuyant les opprobres, n’aimant que moi-même, considérant les péchés comme rien. Et maintenant, me voilà abreuvé du torrent des douleurs. »

Dans la troisième chambre, il sentit une puanteur insupportable ; des serpents venimeux l’enveloppèrent et ses hurlements redoublèrent : « Malheur ! Malheur ! Malheur ! J’ai aimé les douceurs, les parfums, les vêtements somptueux, les festins délicats. Je repoussais l’abstinence que je comprends maintenant être très utile. Je vivais selon les désirs de mon corps, ne voulant accepter ni privation ni peine. Il est juste que j’endure ce supplice. »

Dans la quatrième chambre, il entendit un son terrible et une voix : « La récompense de votre orgueil est que vous tombiez d’un démon dans un autre jusqu’à ce que vous soyez plongé au plus profond abîme de l’Enfer. Pour toutes vos pensées, vos paroles inutiles et nuisibles, pour vos mauvaises œuvres, vous subirez éternellement la violence des supplices. »

Et l’âme cria lamentablement : « Oh ! Que mérité est mon châtiment ! Que je suis terriblement triste ! Je savais par ma conscience que l’homme doit rendre compte, mais je pensais que Dieu était grand en Miséricorde et que je ferais pénitence en ma vieillesse. Et les douleurs, avant la mort, m’ont tellement accablée que je perdis mémoire et volonté. Et maintenant, je vois que Celui qui promettait de Se donner Lui-même à moi sous les espèces du Pain eucharistique est le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs. Je refusais de croire que sous une espèce si petite, une chose si grande, si sublime, put être indicible et admirable. Malheur à moi ! Malheur ! Malheur que je sois né ! Malheur ! Malheur ! »

Et Notre Seigneur dit à sainte Brigitte : « Voilà, ô ma fille, comment sont frappés ceux qui Me méprisent et violent Mes commandements ; voilà quelles peines et quelles douleurs ils achètent par des bagatelles et des petits et passagers plaisirs. Mes paroles leur sont insupportables, et s’ils font quelque bien, ils n’ont d’autre affection ni intention, sinon que les biens temporels leur soient accrus ; ils ne demandent et ne désirent rien si chèrement. Je leur donne ce qu’ils demandent et les récompense en cette vie présente… Sachez ma fille, que Je ne parle pas pour vous seule, mais pour tous les chrétiens : l’homme rendra compte de la moindre maille ; il rendra compte de tous les moments, de chaque denier, des pensées en détail et des paroles, s’il ne les amende point par contrition et pénitence. Véritablement, ma fille, J’en ferai exact jugement. »

« Or, Je vous le dis : de toute parole sans fondement que les hommes auront proférée, ils rendront compte au Jour du Jugement. (Mt 12.36) » ; « En vérité, Je te le dis, tu ne sortiras pas de là, que tu n’aies rendu jusqu’au dernier sou. (Mt 5.26) »

***

Un jour qu’elle priait pour les morts, sainte Brigitte vit l’âme d’un gentilhomme décédé depuis quatorze ans. Cette âme avait la forme d’une bête sauvage, qui avait autant de cornes que les autres bêtes ont ordinairement de crins. Cette bête était étendue sur une ouverture qui aboutissait à l’Enfer, et qui était comme un soupirail, en sorte qu’elle serait tombée dedans, sans un pieu mis en travers, sur lequel elle était couchée. En cet état, elle recevait les brûlantes vapeurs de l’Enfer et participait ainsi aux peines de ce lieu d’horreur et de supplices ; elle souffrait des douleurs inexprimables, ne recevant nul soulagement des suffrages de l’Église.

La sainte apprit de Dieu que ce gentilhomme étant sur terre, avait beaucoup péché par sa fierté et son orgueil, qui étaient excessifs. Le pieu qui lui servait d’appui et l’empêchait seul de tomber dans le gouffre de l’Enfer, représentait quelques mouvements de pénitence et de bonne volonté qu’il avait eus étant dans le monde, et qui, fortifiés de la Miséricorde divine, l’avaient garanti du malheur éternel.

Dieu ayant imprimé, par cette vue, dans le cœur de Brigitte, une forte compassion pour l’infortuné, elle s’adressa au Cœur divin par une ardente prière pour le soulagement de cette âme. Aussitôt, l’horrible peau de bête se fendit, et l’âme en sortit couverte de taches, mais faisant paraître beaucoup de joie, parce qu’elle était enfin en état d’avoir part aux Suffrages de l’Église.

***

Sainte Brigitte vit son ange gardien qui priait pour elle. Le Seigneur dit à l’ange : « Vous demandez Miséricorde pour celle que Je vous ai confiée. Dites-Moi en sa présence ce que vous désirez pour elle, car il y a trois sortes de miséricordes :

  • L’une épargne la peine au corps et à l’âme. C’est l’état de ceux qui croient en Moi et font quelques bonnes actions avec l’intention d’obtenir des biens temporels, considérant peu les choses célestes, et les abandonnant avec joie afin d’obtenir les choses présentes. Je récompense le bien qu’ils font, et jusqu’à la dernière maille, d’une récompense mondaine et temporelle ; mais dans l’éternité, ils ne sortiront jamais du supplice.
  • Par la deuxième miséricorde, le corps et l’âme sont affligés. C’est l’état de ceux qui tombent dans le péché, mais se relèvent. Je permets qu’ils aient des tribulations au corps ou à l’âme afin qu’ils soient sauvés. Néanmoins, ils auront à acquitter dans le Purgatoire.
  • La troisième miséricorde, c’est quand le corps et l’âme sont châtiés. C’est l’état de ceux qui aimeraient mieux souffrir de grandes peines, avec Mon aide, que de provoquer Ma colère. À ceux-ci sont données les tribulations corporelles et spirituelles, comme à saint Pierre, saint Paul et à mes autres saints, afin qu’ils soient purifiés dans le temps. Quiconque entrera dans le Ciel devra avoir été purifié par l’eau ou par le feu… L’eau, c’est-à-dire par une épreuve journalière, par quelque médiocre labeur de pénitence sur terre… Le feu, en l’autre vie, dans le Purgatoire. Donc, maintenant ô mon Ange, mon Serviteur, que demandez-vous pour celle que Je vous ai confiée ? »

L’Ange répondit : « Je demande pour elle la miséricorde de la correction ; je demande les tribulations du corps et de l’âme, afin qu’elle purifie en cette vie par cette eau salutaire toutes ses fautes, et qu’aucun péché ne vienne en jugement. »

***

TÉMOIGNAGE DE SAINTE THÉRÈSE D’AVILA :
« Un jour, étant en oraison, je me trouvai en un instant, sans savoir de quelle manière, transportée dans l’Enfer. Je compris que Dieu voulait me faire voir la place que les démons m’y avaient préparée, et que j’avais méritée par mes péchés. Cela dura très peu; mais même si je vivais encore de longues années, il me serait impossible d’en perdre le souvenir.

L’entrée de ce lieu de tourments me parut semblable à une de ces petites rues très longues et étroites, ou, pour mieux dire, à un four extrêmement bas, obscur, resserré. Le sol me semblait être une eau fangeuse, très sale, d’une odeur pestilentielle, et remplie de reptiles venimeux. À l’extrémité s’élevait une muraille, dans laquelle on avait creusé un réduit très étroit où je me vis enfermer. Tout ce qui, jusqu’à ce moment, avait frappé ma vue, et dont je n’ai tracé qu’une faible peinture, était délicieux en comparaison de ce que je sentis dans ce cachot. Nulle parole ne peut donner la moindre idée d’un tel tourment, il est incompréhensible. Je sentis dans mon âme un feu dont, faute de termes, je ne puis décrire la nature, et mon corps était en même temps en proie à d’intolérables douleurs. J’avais enduré de très cruelles souffrances dans ma vie, et, de l’aveu des médecins, les plus grandes que l’on puisse endurer ici-bas; j’avais vu tous mes nerfs se contracter à l’époque où je perdis l’usage de mes membres; en outre, j’avais été assaillie par divers maux dont quelques-uns, comme je l’ai dit, avaient le démon pour auteur. Tout cela, néanmoins, n’est rien en comparaison des douleurs que je sentis alors; et ce qui y mettait le comble, c’était la vue qu’elles seraient sans interruption et sans fin.

Mais ces tortures du corps ne sont rien à leur tour auprès de l’agonie de l’âme. C’est une étreinte, une angoisse, une douleur si sensible, c’est en même temps une si désespérée et si amère tristesse, que j’essaierais en vain de les dépeindre. Si je dis qu’on se sent continuellement arracher l’âme, c’est peu; car dans ce cas, c’est une puissance étrangère qui semble ôter la vie, mais ici, c’est l’âme qui se déchire elle-même. Non, jamais je ne pourrai trouver d’expression pour donner une idée de ce feu intérieur et de ce désespoir, qui sont comme le comble de tant de douleurs et de tourments. Je ne voyais pas qui me les faisait endurer, mais je me sentais brûler et comme hacher en mille morceaux: je ne crains pas de le dire, le supplice des supplices, c’est ce feu intérieur et ce désespoir de l’âme.

Toute espérance de consolation est éteinte dans ce pestilentiel séjour; on ne peut ni s’asseoir ni se coucher, car l’espace manque dans cette sorte de trou pratiqué dans la muraille; et les parois elles-mêmes, effroi des yeux, vous pressent de leurs poids. Là, tout vous étouffe; point de lumière; ce ne sont que ténèbres épaisses; et cependant, ô mystère! sans qu’aucune clarté brille, on aperçoit tout ce qui peut être pénible à la vue.

Il ne plut pas à Notre Seigneur de me donner alors une plus grande connaissance de l’Enfer. Il m’a montré depuis, dans une autre vision, des choses épouvantables, des châtiments encore plus horribles à la vue, infligés à certains vices; mais comme je n’en souffrais point la peine, mon effroi fut moindre. Dans la première vision, au contraire, ce divin Maître voulut que j’éprouvasse véritablement ces tourments et cette peine dans mon esprit, comme si mon corps les eût soufferts. J’ignore la manière dont cela se passa, mais je compris bien que c’était une grâce insigne, et que le Seigneur avait voulu me faire voir, de mes propres yeux, de quel supplice sa miséricorde m’avait délivrée. Car tout ce qu’on peut entendre dire, de l’Enfer, ce que j’en avais lu ou appris dans mes propres méditations, quoique j’aie assez rarement approfondi ce sujet, la voie de la crainte ne convenant pas à mon âme, tout ce que les livres nous disent des déchirements et des supplices divers que les démons font subir aux damnés, tout cela n’est rien auprès de la peine, d’un tout autre genre, dont j’ai parlé; il y a entre l’un et l’autre la même différence qu’entre un portrait inanimé et une personne vivante; et brûler en ce monde est très peu de chose, en comparaison de ce feu où l’on brûle dans l’autre.

Je demeurai épouvantée, et quoique six ans à peu près se soient écoulés depuis cette vision, je suis en cet instant saisie d’un tel effroi en l’écrivant, que mon sang se glace dans mes veines. Au milieu des épreuves et des douleurs, j’évoque ce souvenir, et dès lors tout ce qu’on peut endurer ici-bas ne me semble plus rien, je trouve même que nous nous plaignons sans sujet. Je le répète, cette vision est à mes yeux une des plus grandes grâces que Dieu m’ait faites ; elle a contribué admirablement à m’enlever la crainte des tribulations et des contradictions de cette vie ; elle m’a donné du courage pour les souffrir ; enfin, elle a mis dans mon cœur la plus vive reconnaissance envers ce Dieu qui m’a délivrée, comme j’ai maintenant sujet de le croire, de maux si terribles et dont la durée doit être éternelle.

Depuis ce jour, encore une fois, tout me paraît facile à supporter, en comparaison d’un seul instant à passer dans le supplice auquel je fus alors en proie. Je ne puis assez m’étonner de ce qu’ayant lu tant de fois des livres qui traitent des peines de l’Enfer, j’étais si loin de m’en former une idée juste, et de les craindre comme je l’aurais dû. À quoi pensais-je alors, et comment pouvais-je goûter quelque repos dans un genre de vie qui m’entraînait à un si effroyable abîme ? Ô mon Dieu, soyez-en éternellement béni! Vous avez montré que vous m’aimiez beaucoup plus que je ne m’aime moi-même. Combien de fois m’avez-vous délivrée de cette prison si redoutable, et combien de fois n’y suis-je point rentrée contre votre volonté !

Cette vision a fait naître en moi une indicible douleur à la vue de tant d’âmes qui se perdent, et en particulier de ces luthériens que le baptême avait rendus membres de l’Église. Elle m’a donné en outre les plus ardents désirs de travailler à leur salut :  pour arracher une âme à de si horribles supplices, je le sens, je serais prête à immoler mille fois ma vie. Je m’arrête souvent à cette pensée: nous sommes naturellement touchés de compassion quand nous voyons souffrir une personne qui nous est chère, et nous ne pouvons nous empêcher de ressentir vivement sa douleur quand elle est grande. Qui pourrait donc soutenir la vue d’une âme en proie pour une éternité à un tourment qui surpasse tous les tourments ? Quel cœur n’en serait déchiré ? Émus d’une commisération si grande pour des souffrances qui finiront avec la vie, que devons-nous sentir pour des douleurs sans terme ? Et pouvons-nous prendre un moment de repos, en voyant la perte éternelle de tant d’âmes que le démon entraîne chaque jour avec lui dans l’Enfer ?

Je puise encore là un désir non moins ardent: c’est que l’affaire si importante de notre propre salut nous occupe tout entier. Non, point de réserve: faisons tout ce qui dépend de nous, et ne cessons de demander à cette fin le secours de la grâce. Voici la réflexion que je fais: toute méchante que j’étais, j’avais quelque soin de servir Dieu; j’évitais certaines fautes que l’on compte pour rien dans le monde; Notre Seigneur me faisait aussi la grâce de supporter de grandes maladies avec une inaltérable patience; je n’étais portée ni à murmurer ni à médire; il m’aurait été, ce me semble, impossible de vouloir du mal à qui que ce fût; je n’étais point travaillée par la convoitise; mon cœur ne connaissait pas l’envie, ou s’il en éprouva quelque atteinte, jamais du moins je ne me sentis coupable en cela d’aucune faute grave ; il y avait en moi quelques autres dispositions à la vertu; enfin, quoique très misérable, j’avais presque toujours devant les yeux la crainte du Seigneur; malgré tout cela, j’ai vu la triste demeure que les démons m’avaient préparée; et si le supplice que j’endurai fut terrible, il me semble, en vérité, que par mes fautes j’en avais mérité un plus grand. N’ai-je donc pas raison de dire qu’il est dangereux de croire qu’on fait assez pour le service de Dieu ? Comment surtout une âme qui, à chaque pas, tombe en péché mortel, peut-elle goûter un seul moment de repos et de bonheur ? Pour l’amour de Dieu, qu’elle se hâte de fuir les occasions, et ce Dieu de bonté ne manquera pas de venir à son secours, comme Il l’a fait à mon égard. Plaise au Seigneur de me soutenir désormais, afin que je ne tombe plus ! car j’ai vu où mes chutes me feraient descendre. Qu’il me préserve d’un tel malheur, je L’en conjure au nom de Sa bonté infinie. Amen !

Cette vision et d’autres grands secrets qu’il plut au Seigneur de me découvrir, relativement à la félicité future des justes et aux peines des méchants, me faisaient soupirer après un genre de vie où je pusse faire pénitence de mes péchés, et me rendre tant soit peu digne de cette gloire du Ciel qui m’avait été montrée. Fuir tout commerce avec les créatures, et me séparer entièrement du monde, était mon unique vœu. Cette pensée occupait sans cesse mon esprit; mais loin de le troubler, elle y versait une paix délicieuse: il était manifeste qu’elle venait de Dieu, et que sa divine Majesté donnait à mon âme cette nouvelle chaleur pour digérer une nourriture plus forte que celle dont elle s’était nourrie jusque-là. Recherchant donc ce que je pourrais faire pour sa gloire, il me sembla que je devais commencer par satisfaire aux devoirs de ma vocation, en gardant ma règle avec la plus parfaite fidélité dont je serais capable.

Voici un autre fait dont j’ai été témoin, et qui me causa une étrange épouvante. Dans un endroit où je me trouvais, mourut une personne qui avait, durant plusieurs années, fort mal vécu, comme je l’ai appris, mais qui, toujours malade les deux dernières années de sa vie, paraissait s’être amendée en quelque chose. Elle mourut sans confession ; mais à cause de ce que je viens de dire, je ne croyais pas qu’elle se damnerait. Or, pendant qu’on l’ensevelissait, je vis un grand nombre de démons qui prirent ce corps, qui paraissaient s’en amuser, le maltraitaient, et à l’aide de grands crocs le traînaient de côté et d’autre, ce qui me causa une extrême frayeur. Au moment où on le portait en terre avec l’honneur et les cérémonies accoutumées, j’admirai la grande bonté de Dieu, qui ne permettait pas que cette âme fût déshonorée, ni que l’on sût qu’elle était son ennemie. J’étais tout interdite de ce qui venait de frapper mes regards. Je n’aperçus aucun démon durant l’office ; mais quand on mit le corps dans la fosse, j’en vis une grande multitude qui étaient dedans pour le recevoir. Je fus comme hors de moi à ce spectacle, et il ne me fallut pas peu de courage pour ne rien laisser paraître au dehors. Je considérais en moi-même à quelles tortures ces esprits de ténèbres livreraient l’âme dont ils traitaient ainsi le malheureux corps. Plût au Seigneur que tous ceux qui sont en mauvais état, vissent de leurs yeux comme moi une scène si épouvantable ! Elle les exciterait puissamment, me semble-t-il, à embrasser une meilleure vie. Je connus alors de plus en plus combien j’étais redevable à Dieu, et de quel malheur il m’avait délivrée. (…) Ce qui est vrai, c’est que ce malheur n’ayant été que trop réel, jamais je ne m’en souviens sans que l’effroi s’empare de mon âme. (Autobiographie, n°67) »

TÉMOIGNAGE DE SŒUR LUCIE DE FATIMA :
« Lorsque la Vierge Marie disait les dernières paroles (« Sacrifiez-vous pour les pécheurs… »), Elle ouvrit de nouveau les mains comme les deux fois précédentes. Le faisceau de lumière projeté sembla pénétrer la terre et nous
[2] vîmes comme une mer de feu. En ce feu étaient plongés, noirs et brûlés, des démons et des âmes sous forme humaine, ressemblant à des braises transparentes noires et bronzées. Soulevées par les flammes qui sortaient d’elles-mêmes, elles retombaient de tous les côtés comme les étincelles dans les grands incendies, sans poids ni équilibre, au milieu de grands cris et de gémissements de douleur et de désespoir qui faisaient frémir et trembler d’épouvante. Ce fut probablement à cette vue que je poussai l’exclamation d’horreur qu’on dit avoir entendue.

Les démons se distinguaient des humains par leurs formes terribles et dégoûtantes d’animaux épouvantables et inconnus, mais transparents comme des charbons embrasés. Cette vue dura un instant et nous devons remercier notre bonne Mère du Ciel qui, d’avance, nous avait prévenus par la promesse de nous prendre au Paradis. Autrement, je crois, nous serions morts de terreur et d’épouvante. (Autobiographie, au 13.07.1917) »

DE SAINT PIERRE-JULIEN EYMARD :
« Or, comment se fait-il que Dieu, qui est si bon, puisse condamner à l’Enfer éternel une de ses créatures qu’Il a faite dans l’amour, un de ses enfants qu’Il a tant aimé ? Il est pourtant vrai, qu’après la mort Il est sans miséricorde ! Il y a peu d’élus, a-t-on dit ; des deux chemins qui conduisent l’un à la vie et l’autre à la mort, le premier est peu suivi, le second couvert de monde ! D’après ces paroles, la majeure partie des hommes sera damnée. Quand l’Évangile ne le donnerait pas à entendre, ce que nous voyons parle assez fort pour le faire comprendre. (Écrits et sermons, DDB, 1972, p. 276) ».

TÉMOIGNAGE DE SAINT JEAN BOSCO :
« Je me trouvai [en vison] avec mon guide [son ange gardien] au fond d’un précipice, qui débouchait sur une vallée obscure. Et voici qu’apparût un édifice immense, ayant un portail très élevé, fermé. […] Une chaleur suffocante m’opprime : une fumée épaisse, presque verte, s’élève par-dessus les murs de l’édifice, comme des vagues de flammes ensanglantées. Je demandai : « Où donc sommes-nous ? », « Lisez, me répondit mon guide, lisez l’inscription au-dessus de la porte. ». Il était écrit : « Ici il n’y a pas de rédemption ». Je vis précipités en direction de ce labyrinthe un jeune homme, puis un autre, et ensuite trois encore. Tous portaient écrit sur leur front le nom de leurs péchés. Mon guide s’exclama : « Voici la cause principale de ces damnations : les mauvaises compagnies, les mauvais livres et les habitudes perverses. ». Les malheureux étaient des jeunes gens de ma connaissance. Je demandai : « Mais alors, il est inutile de se dévouer pour ces jeunes, si un si grand nombre font une telle fin ? Comment empêcher une semblable ruine ? » « Viens avec moi ! » ajouta mon guide. Il me prit par la main et me conduisit devant une petite porte qui s’ouvrit.

À mes yeux se présenta comme une immense caverne, remplie de feu. Ce feu comportait certainement des milliers et milliers de degrés de chaleur. Je ne serais absolument pas capable de décrire cette grotte dans toute son épouvantable réalité… Et voilà, qu’à l’improviste, je vois tomber des jeunes gens dans cette caverne ardente. Le guide me dit : « C’est la transgression du sixième commandement qui est la cause de la ruine éternelle de tant de jeunes gens ! ». Mais si ces jeunes ont péché, ils se sont sans doute confessés aussi ! « Ils s’étaient confessés, oui, mais ces fautes contre la vertu de pureté, ils les avaient mal confessées, ou simplement cachées. Par exemple, l’un de ces jeunes avait commis ce péché quatre ou cinq fois et il avait avoué seulement deux ou trois fois. Il y en a parmi eux quelques-uns qui ont commis ce péché dans leur enfance, et qui n’ont jamais osé le confesser ou l’ont mal confessé en ne disant pas tout. D’autres ont manqué de contrition et de ferme propos ; certains même au lieu d’examiner sérieusement leur conscience, cherchaient le moyen de tromper le confesseur. Et celui qui vient à mourir dans cet état de choses, a accepté d’être du nombre des réprouvés et il en sera ainsi pour toute l’éternité… Et maintenant tu veux voir pourquoi la miséricorde de Dieu t’a conduit ici ? » Le guide souleva un voile et je vis un groupe de jeunes gens que je connaissais, condamnés pour ce péché-là. Parmi eux, il y en avait qui apparemment étaient de bonne conduite. Le guide continua ainsi : « Prêche partout contre l’immodestie ! » Ensuite nous parlâmes pendant une demi-heure environ des conditions nécessaires pour faire une bonne confession, et voici notre conclusion : « Changer de vie !… Changer de vie ! ». « Maintenant, ajouta l’ami, maintenant que tu as vu les tourments des damnés, il faut que tu goûtes un peu, toi aussi, les peines de l’Enfer ! » Au sortir de l’horrible demeure, le guide me prit la main et me fit toucher le mur extérieur. Je lâchai aussitôt un cri ! La vision terminée, je regardai ma main, elle était toute boursouflée et pendant toute une semaine je dus la tenir bandée. (Marcel Toussaint, Anthologie sur l’enfer, BookRix, 2016, p.569) »

DE SAINT ANTOINE-MARIE CLARET :
« Je me dis souvent : il est de foi qu’il y a un Ciel pour les bons et un Enfer pour les mauvais ; il est de foi que les peines de l’Enfer sont éternelles ; il est de foi qu’il suffit d’un seul péché mortel pour offenser un Dieu infini. Me rendant compte que ces principes sont très sûrs, voyant la facilité avec laquelle on pèche −aussi facilement que si l’on buvait un verre d’eau− voyant la multitude qui est continuellement en état de péché mortel et va ainsi à la mort et en Enfer,  je ne puis rester en repos, je sens que je dois courir et crier. Je me dis : Si je voyais quelqu’un tomber dans un puits ou dans un brasier, je courrais certainement et je crierais pour l’avertir et l’empêcher de tomber ! Pourquoi donc n’en ferais-je pas autant pour empêcher quelqu’un de tomber dans le puits et le brasier de l’Enfer ? Je ne puis comprendre comment les autres prêtres qui croient aux mêmes vérités que moi −vérités que tous doivent croire− ne font ni prêches ni exhortations pour empêcher les gens de tomber en Enfer. Je m’étonne même que les laïcs, hommes et femmes, qui ont la foi ne crient pas, et je me dis : si une maison se mettait à brûler de nuit, ses habitants et les autres habitants du quartier étant endormis et ne voyant pas le péril, le premier qui s’en apercevrait ne courrait-il pas dans les rues en criant : « Au feu ! Au feu ! Dans telle maison ! » ? Alors, pourquoi ne pas crier « Au feu de l’Enfer ! » pour réveiller tant de dormeurs assoupis dans le sommeil du péché et qui, au réveil, se trouveront dans les flammes du feu éternel ? Ce qui m’oblige également à prêcher sans arrêt c’est de voir la multitude d’âmes qui tombent en Enfer, car il est de foi que tous ceux qui meurent en état de péché mortel se damnent. Car « Telle vie, telle mort ! » Et quand on voit comment vivent les gens, quand on les voit en très grand nombre vivre de façon stable et habituelle en état de péché mortel, on peut dire qu’il ne se passe pas de jour sans qu’augmente le nombre de leurs fautes. Ces malheureux vont de leur propre mouvement en Enfer […] Peut-être me direz-vous que le pécheur ne pense pas à l’Enfer et même n’y croit pas. Situation pire encore ! Vous pensez peut-être que le pécheur cesse, pour ce motif, de se damner ? Non, certainement pas ! Au contraire, c’est là un signe plus clair de sa damnation d’après l’Évangile : « Qui ne croit pas sera condamné (Mc 16.16) ». Et comme le dit Bossuet, cette vérité est indépendante du fait qu’on y croit ; celui qui ne croit pas à l’Enfer ne manquera pas pour autant d’y aller s’il a le malheur de mourir en état de péché mortel ; et ceci bien qu’il ne croie pas à l’Enfer et n’y pense pas. (Autobiographie, II, 11, 2-3-4, Soleil Levant, 1960) »

***

Sur un sujet différent, Notre Seigneur Jésus-Christ dit à SAINTE CATHERINE DE GÊNES :    

« Je fais à l’âme un purgatoire de son corps ; par ce moyen, J’augmente sa gloire et Je l’attire à Moi sans autre purgatoire. De toutes les choses contraires qui assaillent mes amis, il leur en revient grand profit et grande récompense. Et l’homme, n’ayant d’autre temps que celui de sa vie pour purifier son âme en Mon amour, n’est-il pas bien misérable et bien fou de s’occuper d’autre chose et de perdre ces moments précieux qui lui sont donnés uniquement pour cet effet, sans que jamais, il puisse en avoir d’autres ? »

            Sainte Catherine de Gênes : « Mieux vaut souffrir en ce monde avec toutes les douleurs dont on peut être affligé en cette chair et sur la terre, qu’une heure en Purgatoire. Sur la terre, le temps de nous purifier dure peu et Dieu donne l’aide nécessaire pour pouvoir supporter, car Il ne charge jamais l’homme d’un poids supérieur à ses forces.

            « Je ne m’étonne pas que sous certains rapports, le Purgatoire soit aussi affreux que l’Enfer, tous les deux ayant le péché pour objet. Celui-ci étant hideux comme il l’est, il faut bien que le châtiment et l’expiation soient en rapport avec son abomination. »

            « Mieux vaut souffrir mille ans en ce monde avec toutes les douleurs dont on peut être affligé en cette chair et sur la terre, qu’une heure en Purgatoire. »[3]

***

            Tant que nous vivons sous l’empire de la Miséricorde, nous pouvons chaque jour vivre en état de grâce et nous préparer à mourir saintement, mais encore satisfaire pour les défunts, ainsi que Notre Seigneur l’assure :

            « L’exercice de la vie, dit-Il, est un Purgatoire continuel, et sans qu’il vous en coûte davantage, vous vous trouverez purifiés de tout à l’heure de votre mort. Vous pourrez même satisfaire pour d’autres, car sur terre, tout est compté au plus haut point de valeur. Faites donc vos actions ordinaires en esprit de pénitence, unies à la contrition immense de mon Cœur Sacré. Vous avez aussi le moyen de satisfaire pour vous et pour les défunts à la Justice divine par les indulgences que mon Église a le droit de vous appliquer, et que Je recevrai toujours comme un paiement légitime et agréable, puisque c’est de Moi qu’elle tient ce pouvoir, et Je ratifie tout ce que décide l’Église. »

Ces choses qui m’ont été révélées sur le Purgatoire, sont tellement graves que, à côté de cela, toute connaissance, toute science humaine, ne sont que bagatelles de néant. (Traité du Purgatoire, Nabu Press, 2011, p.124) »

_____________

« L’enseignement de l’Église affirme l’existence de l’Enfer et son éternité. Les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel descendent immédiatement en Enfer […]. La peine principale de l’Enfer consiste en la séparation éternelle d’avec Dieu en qui seul l’homme peut avoir la vie et le bonheur pour lesquels il a été créé et auxquels il aspire. (Catéchisme de l’Église Catholique, 1992, n°1035) »

[1] Dumeige (Gervais), La Foi Catholique, Paris, 1975, n°951 : « Si quelqu’un dit ou pense que le châtiment des démons et des impies est temporaire et qu’il prendra fin après un certain temps, ou bien qu’il y aura restauration des démons et des impies, qu’il soit maudit ! »

[2] Il s’agit de Lucie elle-même et de ses deux cousins, Jacinthe et François Marto, témoins des apparitions si importantes pour le salut du monde de la Vierge Marie à Fatima en 1917.

[3] Saint Bernardin de Sienne affirme que, entre toutes les peines de la terre réunies ensemble et la peine du Purgatoire, il y a la même différence existant qu’entre un feu peint sur une toile et un feu réel.

Vous pouvez commander ce livret à l’unité ou en quantité en écrivant à : [email protected]
et le télécharger en cliquant ici.