Est-ce que pareille chose aurait pu être faite par qui croit qu’un jour Dieu dira : “Ce que tu as fait au plus petit des miens, c’est à Moi que tu l’as fait. (Mt 25.40)” ?
7 août 1932, «Grande famine» et génocide ukrainien
Le 7 août 1932, l’URSS promulgue une loi qui punit de dix ans de déportation, voire de la peine de mort, «tout vol ou dilapidation de la propriété socialiste», y compris le simple vol de quelques épis dans un champ.
Cette loi, dite «loi des épis», survient alors que les campagnes soviétiques connaissent un début de famine du fait des réquisitions forcées par le pouvoir. Elle va considérablement aggraver la situation des paysans et l’on estime qu’en Ukraine, trois à six millions d’entre eux vont mourir de faim dans les mois suivants.
Cette «Grande famine», intentionnellement entretenue et amplifiée par Staline, maître tout-puissant de l’Union Soviétique, est assimilée à un génocide par la plupart des historiens ainsi que par les Ukrainiens. Elle est connue sous le nom d’«Holodomor»(«extermination par la faim» en ukrainien).
La «dékoulakisation»
A la fin des années 1920, l’URSS commençait à retrouver le sourire grâce à la NEP (Nouvelle Politique Économique) et à un début de libéralisation économique. Sa production agricole et industrielle retrouve en 1927 les niveaux d’avant la Grande Guerre et la Révolution.
Mais Staline craint que la NEP ne favorise dans les villes et les campagnes l’avènement d’une nouvelle bourgeoisie qui pourrait un jour triompher du communisme ! Il met fin à la NEP et lance un premier plan quinquennal en vue d’industrialiser le pays.
Pour acheter des machines à l’étranger, il a besoin d’exporter un maximum de céréales et pour cela multiplie les réquisitions forcées chez les paysans. Ces derniers résistent en réduisant leur production et les livraisons à l’État.
Staline accuse les paysans aisés, surnommés «koulaks» (d’un mot russe qui désigne un prêteur sur gages), de faire obstruction à sa politique au nom de leurs intérêts particuliers. Il décide «l’élimination des koulaks en tant que classe» et l’intégration de tous les autres paysans dans de grandes fermes collectives (kolkhozes) ou fermes d’État (sovkhozes). Au prix de grandes violences, 70% des terres sont collectivisées et la «dékoulakisation» est considérée comme achevée. C’est alors qu’apparaissent les premières victimes de la faim. L’ensemble du pays est affecté mais c’est au Kazakhstan que l’on compte le plus grand nombre de morts : 1 à 1,5 million, victimes des réquisitions du gouvernement.
La grande famine
De fortes résistances à la collectivisation subsistent en Ukraine où la paysannerie a développé au fil de l’Histoire des structures comparables à celles que l’on rencontre en Occident : beaucoup de petits propriétaires attachés à leur terre, à leur pope (le curé orthodoxe) et à leur église.
C’est ainsi qu’en 1932, le pouvoir soviétique resserre la pression sur les paysans d’Ukraine, coupables de n’en faire qu’à leur tête et suspects de nationalisme. Les représentants du Parti multiplient les réquisitions forcées, y compris dans les fermes collectives.
Chacun tente de survivre. C’est alors que survient la sinistre «loi des épis» du 7 août. Elle va occasionner la déportation ou la mort de milliers de citoyens pour le vol de quelques grains ou d’une pomme de terre et permettre à l’État de s’approprier la quasi-totalité de la moisson !
Avec l’arrivée de l’hiver, sans surprise, survient la famine. De longues files de malheureux errent le long des routes en quête de subsistance et gagnent les villes en quête de travail et secours. Mais le gouvernement communiste ne reste pas sans réagir : à la fin décembre 1932, il institue un passeport unique pour tout le pays, avec interdiction pour quiconque de quitter son village de résidence sans autorisation du Parti !
Affaiblis, les gens meurent de froid et de faim dans leurs cabanes, le long des routes ou sur les trottoirs des grandes villes d’Ukraine, quand ils ne sont pas déportés sur un ordre arbitraire du Parti.
Beaucoup de désespérés se suicident. Un nombre non négligeable se livrent au cannibalisme, enlevant les enfants des voisins ou tuant parfois leur propre enfant pour se nourrir de leur chair. Le phénomène est si peu rare que le gouvernement fait imprimer une affiche qui proclame : «Manger son enfant est un acte barbare !»
La famine ne relâche son étreinte qu’au mois de mai 1933 avec le retour des fruits et des légumes dans les jardins privés.
Le génocide occulté
À l’étranger, où filtrent malgré tout des informations sur la famine et les excès de la «dékoulakisation», les communistes trouvent des gens complaisants, cyniques ou naïfs pour relayer leurs mensonges sur la prospérité de l’Union soviétique et de ses habitants.
Le cas le plus notable est celui d’Édouard Herriot, maire de Lyon et chef du parti radical français, qui se rend en URSS à l’été 1933. Il aspire à un rapprochement entre la France et l’URSS pour contenir l’Allemagne, qui vient de tomber aux mains des nazis. De ce fait, après avoir parcouru l’Ukraine en compagnie des officiels soviétiques, il déclare, péremptoire : «J’ai traversé l’Ukraine. Eh bien ! je vous affirme que je l’ai vue tel un jardin en plein rendement.» Il est vrai que les communistes ont fait ce qu’il fallait pour cela, maquillant les villages où devait passer le leader occidental.
La famine et son aspect intentionnel ne font plus guère débat parmi les historiens. Quant aux députés ukrainiens, ils ont voté le 28 novembre 2006 une loi affirmant que «la famine provoquée par les Soviétiques est un génocide contre le peuple ukrainien».
Six preuves qui justifient pourquoi le Holodomor a vraiment été un génocide 30.11.2018
Extrait du rapport du professeur Volodymyr Serhiychuk à l’Université de Vienne en Autriche.
L’un des événements commémoratifs rendant hommage à la mémoire des victimes du Holodomor a récemment eu lieu à l’Université de Vienne en Autriche. À la soirée, des scientifiques ukrainiens et autrichiens ont fait des interventions. Parmi eux, un professeur de l’Université nationale Taras Chevtchenko de Kyiv, Volodymyr Serhiychuk, était présent. Dans ses écrits, il a rassemblé de nombreuses données sur ces événements et identifié six caractéristiques selon lesquelles le Holodomor de 1932-1933 devrait être considéré comme génocide de la nation ukrainienne.
Quels sont ces faits?
1. LA SUPPRESSION DE NOURRITURE
Le retrait forcé et total de nourriture est le premier signe de génocide.
Le 21 juin 1932, Staline et Molotov ont envoyé un télégramme au Comité central du Parti communiste de la République soviétique socialiste de l’Ukraine et au Conseil des commissaires du peuple de la République socialiste soviétique d’Ukraine, dans lequel ils exigeaient que le plan de réquisition massive des céréales soit exécuté quelles que soient les conditions.
Ceux qui n’ont pas donné de céréales ont été convoqués au conseil du village et ont été battus, forcés de s’agenouiller; on leur collait des affiches avec des inscriptions blessantes sur la poitrine et leur faisait faire tour du village, on déshabillait les femmes, on emmenait des personnes dévêtues dans la steppe alors qu’il faisait froid, on les maintenait pendant plusieurs jours dans des fossés glacés sans leur donner ni à manger ni à boire, on les frappait avec des revolvers, on détruisait leurs maisons et leur faisait subir des tortures inhumaines.
Inscrire une localité au «tableau noir», par opposition au «tableau rouge» ou « tableau d’honneur », signifiait imposer des sanctions aux coupables : privation de primes, amendes alimentaires, répression directe – expulsion, travail forcé, exécution, intimidation. Des individus et des groupes entiers, des colonies et des districts entiers ont été ajoutés à ces listes.
Le 1er janvier 1933, Staline a porté le coup de grâce aux paysans ukrainiens avec un télégramme envoyé au Comité central du Parti communiste concernant «la reddition volontaire de pain caché». À partir de ce moment, tous les produits alimentaires ont été confisqués aux paysans ukrainiens. Ils seront condamnés à mourir de faim.
2. L’INTERDICTION DE QUITTER LE VILLAGE POUR CHERCHER DU PAIN
La deuxième indication de génocide est une grave restriction de la liberté de circulation.
Le gouvernement soviétique a non seulement privé de nourriture les villageois ukrainiens, de force, mais a également limité la liberté de circulation de manière à ce qu’ils ne puissent trouver le salut dans d’autres régions de l’URSS. Leur départ fut interdit par décision du Comité central du Parti communiste et du Conseil des commissaires du peuple de l’URSS du 22 janvier 1933, signée par Staline et Molotov. Les restrictions ont concerné les villageois d’Ukraine, ainsi que ceux du Kouban, où, selon le recensement de 1926, il y avait 915 450 Ukrainiens, soit plus des deux tiers de la population totale.
Tous les villageois d’Ukraine et du Caucase Nord, qui se dirigeaient vers le Nord, devaient être arrêtés. Après la sélection des « éléments contre-révolutionnaires », tous les autres recevaient l’ordre de retourner dans leurs lieux de résidence.
À compter du 14 février 1933, 31 783 personnes étaient détenues, dont 28 351 ont été rapatriées, 3 344 ont été poursuivies et 579 ont été sélectionnées pour être envoyées dans la République socialiste soviétique du Kazakhstan.
À l’époque, la population du Kazakhstan a également souffert de famine. Cependant, aucun ordre n’a été trouvé dans les archives pour le retour forcé des Kazakhs qui avaient fui la faim vers les régions de Sibérie occidentale. À la fin de 1932, on en comptait 150 000.
3. LA DISSIMULATION DE LA VERITÉ SUR LE HOLODOMOR
C’est la troisième indication de génocide.
La communauté mondiale aurait pu fournir une aide alimentaire à la population affamée, mais le gouvernement soviétique n’a ménagé aucun effort afin que personne ne soit au courant de la famine. Les dirigeants bolcheviks ont eu recours à la désinformation à grande échelle et ont même impliqué des personnalités de la culture mondiale – Romain Rolland, Bernard Shaw et le Premier ministre français Herriot. Les étrangers ont étudié différents témoignages, spécialement préparés, puis ont convaincu le monde qu’il n’y avait pas de famine en Ukraine. Staline a soudoyé le journaliste américain, Walter Duranty, qui a déclaré au monde entier, dans les pages du New York Times, que la famine en Ukraine n’était qu’une fiction.
4. LE REFUS DE L’AIDE OCCIDENTALE
Le quatrième signe de génocide a été le blocage des tentatives d’assistance extérieure.
L’émigration ukrainienne s’est efforcée de fournir une assistance matérielle aux villageois ukrainiens affamés, mais les organisateurs du Holodomor ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour ne laisser aucune miette atteindre les villages touchés par la famine. Ils ont volé cette aide financière, condamnant à mourir les destinataires de ces fonds.
Les bolcheviks « malins» ont inventé un moyen de se remplir les poches face à la tragédie en créant un système de «Torgsins», autrement dit, des institutions d’État spécialisées de l’URSS, engagées dans des opérations spéculatives pour de l’or en 1931-1936. Il s’agissait d’un magasin spécial dans lequel des marchandises étaient vendues contre des devises ou des obligations spéciales émises en échange de métaux précieux et de pierres précieuses, mais ne recevaient pas de monnaie soviétique ordinaire, contrairement aux lois en vigueur. Les personnes affamées se rendaient, désespérées, pour vendre de l’or, de l’argent et d’autres bijoux pour rien. Le montant total des dépôts atteint 33 tonnes d’or et 1420 tonnes d’argent.
5. LE REPEUPLEMENT DES VILLAGES UKRAINIENS, VICTIMES DE LA FAMINE
Un autre témoignage de génocide s’est traduit par un changement forcé de la situation démographique en Ukraine.
Les organisateurs du Holodomor ont délibérément réinstallé des habitants de Russie et de Biélorussie à la place des Ukrainiens disparus. Ils ont donc essayé de diluer l’intégrité du territoire ethnique ukrainien, en particulier dans les régions du sud-est de l’Ukraine.
Pour la première fois, une telle politique a été mise à l’essai à Stanitsa Poltavaskaya du Kouban. Sa population a été emmenée au Kazakhstan et des soldats de l’armée rouge et des anciens combattants de la police d’État de l’Union soviétique ont commencé à arriver à sa place au début de 1933 : 350 habitants des districts militaires de Leningrad, de Biélorussie et de Moscou, 250 habitants du district militaire d’Ukraine et 200 personnes du district militaire de Volga.
Selon le chercheur russe, Nikolai Tchourkin, cette opération avait été planifiée et développée dans ses moindres détails. L’un des organisateurs du Holodomor, commissaire adjoint aux affaires militaires et navales de l’URSS, Mikhail Tukhachevsky, a signé une directive secrète une semaine avant la repopulation de Stanitsa Poltavskaya. Il a demandé de recruter des militaires « particulièrement fiables politiquement » pour repeupler des maisons vides avant le 10 janvier 1933. « Les natifs du Caucase du Nord et de l’Ukraine ne doivent pas être recrutés », a-t-il précisé.
Sur le territoire ukrainien, de nombreuses maisons étaient déjà vides. Au printemps 1933, l’Ukraine ressemblait à un désert, mais la situation s’est encore aggravée en automne, en particulier dans la partie des steppes où se trouvaient des villages entiers dans lesquels il ne restait pas une seule personne.
6. LA CESSATION DE L’UKRAINISATION
Enfin, une preuve de génocide a été identifiée par la politique anti-ukrainienne qui l’a accompagnée.
Le 14 décembre 1932, le décret du Comité central du Parti communiste et du Conseil des commissaires du peuple de l’URSS «Concernant la réquisition massive des céréales en Ukraine, dans le Caucase du Nord et dans la Région occidentale » décrit, sans équivoque, l’attitude de Moscou à l’égard de l’ukrainisation. Le document dit : « … au lieu de la politique nationale bolchévique correcte, dans un certain nombre de régions d’Ukraine, l’ukrainisation a été réalisée de manière systématique, sans tenir compte des caractéristiques spécifiques de chaque région, sans sélectionner avec soin les cadres ukrainiens bolchéviques, ce qui a facilité la tâche aux éléments nationalistes bourgeois, aux pétliuristes, etc. ,créant ainsi leurs dissimulations légales, leurs cellules et leurs organisations contre-révolutionnaires …
Proposer au Comité central du Parti communiste bolchévique de se préoccuper sérieusement du bon déroulement de l’ukrainisation, éliminer le comportement irréfléchi, expulser des pétliuristes et d’autres éléments nationalistes bourgeois des organisations de partis et soviétiques, choisir avec soin et éduquer les cadres ukrainiens bolchéviques au contrôle du déroulement de l’ukrainisation ».
Cela s’appliquait également aux territoires situés en dehors de la République soviétique socialiste d’Ukraine: “…l’ukrainisation, inconséquente et non-bolchévique, qui ne découlait pas des intérêts culturels de la population, dans près de la moitié des régions du Caucase du Nord, sans aucun contrôle sur l’ukrainisation de l’école et de la presse des autorités régionales, a donné une forme juridique aux ennemis de l’Union soviétique et organisé une résistance aux mesures et aux missions des autorités soviétiques du côté des koulaks, officiers, ré-émigrés-cosaques, membres de la Rada du Kouban, etc ».
Sur la base de cette logique, la direction du parti s’est fixée pour objectif de « vaincre la résistance à l’approvisionnement en grain des éléments koulaks et de leurs serviteurs ». Pour y parvenir, un certain nombre de répressions brutales ont été introduites. Parmi celles-ci figurent le déplacement forcé de Stanytsya Poltavska, qui a déjà été mentionné, et le peuplement des lieux vacants par des «agriculteurs consciencieux- anciens combattants de l’Armée rouge», ainsi que la traduction forcée, en russe, de tous les travaux de bureau, journaux et magazines, ainsi que ceux de l’enseignement scolaire dans les districts «ukrainiens».
Dès le 15 décembre 1932, Staline et Molotov ont signé un décret annonçant la cessation de l’ukrainisation en Extrême-Orient, au Kazakhstan, en Sibérie, dans la région de la Volga, dans la région de la Terre noire centrale – partout où vivaient des Ukrainiens.
Les Ukrainiens ont été la seule nation contre laquelle Moscou a appliqué un tel ensemble de mesures répressives. Bien que des répressions aient également concerné d’autres populations, notamment des Allemands et des Polonais, que les bolcheviks ont commencé à malmener à la fin de 1934.
PERTES DE LA NATION UKRAINIENNE AU COURS DU HOLODOMOR-GÉNOCIDE EN 1932-1933
En 1926, environ 31,2 millions d’Ukrainiens vivaient en URSS, mais en 1937, leur nombre est tombé à 26,4 millions. À titre de comparaison, le nombre de Russes est passé de 77,8 millions à 94 millions de personnes et le nombre de Biélorusses de 4,74 millions à 4,87 millions.
Le professeur Serhiytchouk est convaincu que le génocide, le Holodomor, a entraîné au moins 7 millions de pertes directes. « Cependant, avant même que des chiffres concrets ne soient établis, aujourd’hui, après une vérification minutieuse de toutes les circonstances de cette tragédie, nous pouvons parler d’au minimum 7 millions de pertes et poursuivre notre travail fastidieux consistant à identifier, principalement dans les archives ukrainiennes, les victimes. Et nous ne parlons pas seulement de ceux qui sont morts de faim sur le sol noir ukrainien, mais également des victimes du Holodomor qui ne sont toujours pas prises en compte par nos démographes », explique-t-il.
Vasyl Korotky, Vienne
Voir : Le mensonge du communisme
Derniers commentaires