Bonjour à tous. Nous allons vous raconter l’histoire des assyro-chaldéens depuis le génocide de 1915 à nos jours.
Génocide
Nous sommes le peuple assyro-chaldéen originaire de Turquie et proche de la frontière de l’Irak et de la Syrie et les descendants des martyrs du génocide assyro-chaldéen de 1915. Les rescapés de ce génocide doivent leur salut à certaines familles kurdes qui les ont aidés en retour de leur sujétion pour avoir la paix, car nous étions obligés de leur obéir. Cette soumission a duré 78 ans. Les chrétiens qui ont survécu au génocide de 1915 ont subi beaucoup de pression de la part des Turcs et des Kurdes.
Après la proclamation de la République de Turquie, les Turcs surnommaient les non-musulmans : “gayri-muslum“. Et malheur à qui se disait Turc et non-musulman. À partir de là, la République a créé des nouvelles règles et lois contre ceux qui ne se proclamaient pas musulmans et ils ont commencé à saisir le patrimoine de ces gens. En même temps, elle a commencé à taxer lourdement les survivants du génocide afin de les faire passer plus facilement sous son joug. Le gouvernement turc ne s’est pas contenté de cette maltraitance mais, à l’abri des médias, il a chassé par force un nombre important de chrétiens hors du territoire turc. Ce peuple exilé a trouvé refuge dans les pays voisins de la Turquie (Irak, Iran, Syrie, Liban, Russie et les pays du Caucase). Les Turcs se servaient continuellement des Kurdes pour éliminer les chrétiens. Beaucoup de villageois chrétiens limitrophes ou non de l’Irak et de L’Iran ont été chassés de leurs terres et il ne leur a jamais été donné l’opportunité de retourner sur leurs terres.
À leur tour, les Kurdes ont profité de cette situation pour commettre les mêmes exactions envers la population chrétienne, l’ont chassée pour s’approprier ses propriétés. Lors du génocide de 1915, le gouvernement turc ordonna d’exterminer tous les chrétiens en moins de 6 mois. Mais les massacres les plus violents ont été perpétrés après la période du génocide … Le gouvernement turc et les Kurdes ont continué leurs actions jusqu’à chasser définitivement les chrétiens du territoire turc.
La vie dans les villages
Autrefois nos villages étaient nombreux, aujourd’hui, à cause de ces massacres, leur nombre a considérablement diminué. Il nous restait après le génocide seulement 9 villages qui sont : Artevna Bespin Harbole Hassana Baznaye Gaznakh Hoz Meer Ischy. Les villageois vivaient principalement de l’agriculture, de l’élevage de bétail et de l’apiculture. En plus de cela, nous construisions nous-mêmes nos maisons, nos routes et nous possédions nos propres moulins. Nous avions des personnes qui travaillaient dans la confection de tissus, des forgerons et plein d’autres métiers. Le village de Bespin était reconnu dans le domaine de la construction et pour le métier de forgeron. Les villages de Harbole et de Hassana étaient réputés pour la confection de vêtements traditionnels. Les villages de Hoz et de Meer étaient réputés dans l’élevage d’abeilles pour la fabrication du miel. Leurs miels étaient tellement réputés que des chanteurs kurdes le citaient dans leurs chansons. Le nom Meer est originaire d’Arménie qui signifie miel.
L’Exil vers l’Occident
Après s’être proclamée République, la Turquie a formé trois groupes sociaux au sein de son peuple. Le 1er groupe était celui des nationalistes turcs. Le 2ème groupe était celui des kurdes de par leur religion commune. Et le 3ème était formé des non-musulmans (gayri-muslum). Les droits étaient attribués en fonction de la religion. Le 3ème groupe avait le moins de droits. Il n’était pas autorisé à occuper des fonctions d’État. A l’armée, il n’avait pas droit ed toucher aux armes, mais devait s’occuper des tâches les plus basses. Les dirigeants de l’armée considéraient les personnes de ce groupe comme animaux de portage. Et la plus honorable de ce groupe ne valait pas même me moindre paysan turc, tellement les Turcs n’aiment pas les chrétiens, qu’ils les nomment gayir (infidèles). Ce terme péjoratif est toujours d’actualité. De ce fait, les chrétiens n’ont jamais eu de tranquillité au sein de ces peuples. Ils ont été constamment oppressés par les autorités turques. Les chrétiens et les Kurdes vivaient dans la même région, mais le seul moyen de survivre était pour les chrétiens d’accepter d’être asservis au peuple kurde. En plus des lois turques, les Kurdes imposèrent leurs propres règles aux chrétiens. Cela a duré 78 ans.
Voici quelques exemples de leurs nombreuses règles à respecter :
a) Pour nous différencier d’eux, ils appelaient tous les chrétiens par le même surnom (Fillah). Ce surnom a été attribué pour marquer leur mépris envers les chrétiens considérés comme des mauvaises gens.
b) Les Kurdes ne mangeaient aucune viande préparée par les chrétiens.
c) Tout musulman acceptant un bonjour de la part d’un chrétien était aussi considéré comme mauvais.
d) Les Kurdes devaient toujours être mieux lôtis que les chrétiens (vêtement, logement, etc. ).
e) Les chrétiens étaient constamment et gratuitement au service des Kurdes, et cela a duré jusqu’en 1978.
Dans ces années-là, apparut un mouvement politique kurde (PKK) qui s’est opposé au gouvernement turc. La vie des chrétiens s’est alors dégradée car le gouvernement turc accusait constamment les chrétiens de collaborer avec ce mouvement jugé séparatiste en lui offrant de la nourriture ou des logements. Les chrétiens se trouvèrent au milieu du conflit : d’un côté les Turcs les accusaient de cela et de l’autre les Kurdes les obligeaient à collaborer avec eux. Le conflit prit la dimension d’une guerre civile et chacun dut se protéger. La seule solution pour les chrétiens fût de quitter le territoire turc. Des membres de la communauté chrétienne ont été accusés et emprisonnés. Le gouvernement turc ne considérait pas les chrétiens comme citoyens à part entière à cause de leur différence religieuse.
Dans les années 1990, plus de 3500 villages ont été désertés à cause de ce conflit. À partir de 1993, l’armée turque a détruit toutes les habitations de ces villages afin qu’elles ne servent pas de refuges pour les séparatistes kurdes (PKK). Nous avons eu la chance de quitter rapidement ces terres car ce conflit s’est vite transformé en guerre civile. S’il s’était agi d’un conflit entre la Turquie et un pays chrétien, les possibilités d’exil pour les chrétiens auraient été considérablement moindres.
L’Exil vers l’Europe
Ni les Turcs, ni les Kurdes, ne se sont opposés à cet exil, mais au contraire ils l’ont encouragé. Cet exil concerna tous les chrétiens de Turquie dont le nombre s’élevait alors entre 5000 et 6000. Pour quitter la Turquie vers la France, il fallait se procurer un visa. Mais des règles strictes imposées par la France, rendaient son obtention quasi impossible, comme des garanties assurant le retour sur nos terres d’origine, alors que les membres de notre communauté étaient si pauvres que tous leurs biens tenaient dans leurs poches ou leurs valises … Le peu de biens qu’ils possédaient ne leur permettait pas de prouver leur retour. Les visas n’étant pas accordés, l’exil se fit vers les pays qui n’en demandaient pas, comme l’Italie, la Belgique, la Suisse, l’Allemagne, et d’autres pays. Chaque famille informait ses proches vivant en France de leur départ. Les jeunes de la communauté se trouvant déjà en France allaient récupérer les exilés à la frontière. Les membres de notre communauté se sont entraidés afin d’accueillir tout le monde. À notre arrivée en France, nous avons fait connaissance de Monseigneur Francis Alichoran, originaire du village d’Harbole (un des villages assyro-chaldéens). Connaissant la langue et les lois françaises, il nous a permis de faire les démarches auprès de l’administration pour faciliter notre insertion. Son rôle de pasteur a facilité notre insertion. Son aide précieuse a permis aux membres de cette communauté de se retrouver en France.
Les quarante années suivant l’exil en France
Le plus important est que nous sommes restés ensemble, unis et solidaires. La barrière de la langue a été un frein pour certaines démarches administratives, mais notre solidarité nous a permis de surmonter ces obstacles. De la même manière, la méconnaissance de la langue nous a empêché de postuler pour certains métiers. Alors, nous nous sommes mis à créer des ateliers de confection pour y travailler ensemble pendant vingt ans. Pendant ce temps, nous avons appris la langue française. Nos enfants ont grandi et cela nous a ouverts à d’autres domaines d’activités (bar-tabac-restauration ; etc.)… Aujourd’hui nous sommes nombreux à être dirigeants de ces activités et propriétaires de biens. Cette entraide nous a permis d’avoir des projets d’avenir. Ainsi nous avons pu construire notre propre église chaldéenne en 1992, Sainte-Marie, à Paris 18ème. En 2004 a été construite une seconde église, Saint-Thomas Apôtre, à Sarcelles. Et en 2016, une troisième église a été érigée à Arnouville portant le nom d’église Saint-Jean. La liberté d’expression qui existe en France nous a donné la force de travailler sur notre histoire et notre culture et de faire connaître le génocide de notre peuple. Et de là, la France nous a autorisés à ériger des stèles en mémoire de nos martyrs du génocide de 1915. Une première stèle a été érigée à Sarcelles en 2005. La deuxième stèle à Arnouvilles en 2013, la 3ème stèle à Saint-Brice- Sous-Forêt en 2014, et la 4ème stèle à Villiers-Le-Bel en 2015. En 2016, François Pupponi (député-maire de Sarcelles) a inauguré le jardin assyro-chaldéen en mémoire de nos martyrs du génocide de 1915 devant la salle André Malraux de Sarcelles, avec plusieurs statues de personnalités de l’époque. Certaines statues représentent des évêques martyrs du génocide de 1915. Agha Petros et Surma Khanum dirigeaient le peuple assyro-chaldéen pendant le génocide 1915. Depuis quarante ans que nous sommes en France, nous avons vu l’évolution de notre intégration dans le monde professionnel : Certains de nos jeunes sont devenus avocats, expert-comptables, médecins et plusieurs autres professions … En 2009, l’association UACF sous la présidence de Cemil Doman a posé la première pierre pour la construction d’un centre culturel pour la communauté assyro-chaldéenne. Le 17 mai 2012, le centre culturel a été inauguré sous la présidence d’Osana Yabas. Lors de l’inauguration, nous avons eu l’honneur de la présence du patriarche chaldéen Louis Raphaël Sako, ainsi que celle de tous les prêtres de la communauté, et des maires de Sarcelles, Villiers-Le-Bel, St-Brice-Sous-Forêt, Arnouville, Domont, et d’autres villes voisines.
Je vous remercie de votre écoute.
L’UACF remercie Isho Iskender pour cette vidéo.
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