Au sujet de la scolastique de laquelle A. Dumouch se glorifie de s’être affranchi, rappelons ces mots tirés de l’encyclique Aeterni Patris de Léon XIII :
“L’immense péril dans lequel la contagion des fausses opinions a jeté la famille et la société civile est pour nous tous évident. Certes, l’une et l’autre jouiraient d’une paix plus parfaite et d’une sécurité plus grande si, dans les académies et les écoles, on donnait une doctrine plus saine et plus conforme à l’enseignement de l’Eglise, une doctrine telle qu’on la trouve dans les œuvres de Thomas d’Aquin. Ce que saint Thomas nous enseigne sur la vraie nature de la liberté, qui de nos temps, dégénère en licence, sur la divine origine de toute autorité, sur les lois et leur puissance, sur le gouvernement paternel et juste des souverains, sur l’obéissance due aux puissances plus élevées, sur la charité mutuelle qui doit régner entre tous les hommes ; ce qu’il nous dit sur ces sujets et autres du même genre, a une force immense, invincible, pour renverser tous ces principes du droit nouveau, pleins de dangers, on le sait, pour le bon ordre et le salut public. Enfin, toutes les sciences humaines ont droit à espérer un progrès réel et doivent se promettre un secours efficace de la restauration, que Nous venons de proposer, des sciences philosophiques. En effet, les beaux-arts demandent à la philosophie, comme à la science modératrice, leurs règles et leur méthode, et puisent chez elle, comme à une source commune de vie, l’esprit qui les anime. Les faits et l’expérience constante nous le font voir : les arts libéraux ont été surtout florissants lorsque la philosophie conservait sa gloire et sa sagesse ; au contraire, ils ont langui, négligés et presque oubliés, quand la philosophie a baissé et s’est embarrassée d’erreurs ou d’inepties.
(…) On ne peut s’imaginer combien la philosophie scolastique, sagement enseignée, apporterait à ces recherches de force, de lumière et de secours.
A ce propos, il importe de prémunir les esprits contre la souveraine injustice que l’on fait à cette philosophie, en l’accusant de mettre obstacle au progrès et au développement des sciences naturelles. Comme les scolastiques, suivant en cela les sentiments des saints Pères, enseignent à chaque pas, dans l’anthropologie, que l’intelligence ne peut s’élever que par les choses sensibles à la connaissance des êtres incorporels et immatériels, ils ont compris d’eux-mêmes l’utilité pour le philosophe de sonder attentivement les secrets de la nature, et d’employer un long temps à l’étude assidue des choses physiques. C’est, en effet, ce qu’ils firent.
Saint Thomas, le bienheureux Albert le Grand, et d’autres princes de la scolastique, ne s’absorbèrent pas tellement dans la contemplation de la philosophie, qu’ils n’aient aussi apporté un grand soin à la connaissance des choses naturelles; bien plus, dans cet ordre de connaissances, il est plus d’une de leurs affirmations, plus d’un de leurs principes, que les maîtres actuels approuvent, et dont ils reconnaissent la justesse. En outre, à notre époque même, plusieurs illustres maîtres des sciences physiques attestent publiquement et ouvertement que, entre les conclusions admises et certaines de la physique moderne et les principes philosophiques de l’école, il n’existe en réalité aucune contradiction.
Nous donc, tout en proclamant qu’il faut recevoir de bonne grâce et avec reconnaissance toute pensée sage, toute invention heureuse, toute découverte utile, de quelque part qu’elles viennent, Nous Vous exhortons, Vénérables Frères, de la manière la plus pressante, et cela pour la défense et l’honneur de la foi catholique, pour le bien de la société, pour l’avancement de toutes les sciences, à remettre en vigueur et à propager le plus possible la précieuse doctrine de saint Thomas. (…) Du reste, que des maîtres, désignés par Votre choix éclairé, s’appliquent à faire pénétrer dans l’esprit de leurs disciples la doctrine de saint Thomas d’Aquin, et qu’ils aient soin de faire ressortir combien celle-ci l’emporte sur toutes les autres en solidité et en excellence. Que les académies, que Vous avez instituées ou que Vous instituerez par la suite, expliquent cette doctrine, la défendent et l’emploient pour la réfutation des erreurs dominantes. …
La vidéo d’origine : https://www.youtube.com/watch?v=CkfCQQ7ZP3Q&t=2s
Ne nous polarisons pas les uns sur les autres, d’une manière polémique, mais essayons de prendre ensemble de la hauteur et du recul, indispensables à la réunion des éléments de réponse à la question suivante.
Qu’est-ce qui nous a valu, dès l’entre deux guerres mondiales, une telle implémentation, et qu’est-ce qui nous vaut, aujourd’hui encore, une telle pérennisation de la “sécession culturelle des élites”, des élites intellectuelles présentes et actives à l’intérieur et près du sommet de l’institution ecclésiale, à l’égard des fondamentaux du catholicisme ou vis-à-vis de la composante scolastique et de la composante tridentine de la Tradition ?
Parmi les éléments de réponse les plus réalistes, il y a celui-ci : un complexe de supériorité intellectuelle absolument considérable, pour ne pas dire une attitude plus arrogante ou orgueilleuse face à la Tradition que réceptive et transmettrice de la Tradition.
A partir de là, les intellectuels catholiques qui font semblant de ne pas voir où est le problème devraient néanmoins pouvoir comprendre et se dire que le neutralisme n’est pas neutre, face à l’arrogance ou face à l’orgueil de certains des inspirateurs du Concile et de l’après-Concile, jusqu’au pontificat de François inclus.
Ainsi, est-il bien raisonnable et responsable, ou est-il tout simplement possible de n’être “ni pour, ni contre, bien au contraire”, face à l’orgueil des élaborateurs et des utilisateurs de la quasi idéologie du dialogue, de l’inclusion, du renouveau et de l’unité qui se manifeste encore plus depuis le milieu de 2012-2013 que depuis le début de 1962-1963 ?
En quoi l’orgueil des partisans et des promoteurs de l’intrusion et du déploiement puis de la poursuite de l’auto-déconstruction et de l’auto-dépassement, apparemment indéfinis, du christianisme catholique contemporain, de moins en moins traditionnellement catholique et de plus en plus fraternitairement contemporain, comporte-t-il de l’humilité chrétienne ?
Qu’est-ce qui fait que des clercs officiellement catholiques ne veulent pas, NE VEULENT PAS que les fidèles catholiques soient en situation intérieure, pensée et vécue en Jésus-Christ, de fidélité effective aux fondamentaux de la foi catholique, de la liturgie romaine, de la morale chrétienne, de la liturgie de l’Eglise ?
Quels clercs ont pris la responsabilité de faire passer la fadeur, la grisaille, la mollesse et la tiédeur conciliaires ou, en tout cas, post-conciliaires, face à l’esprit du monde de ce temps, pour une attitude “authentiquement chrétienne” ou pour un comportement “authentiquement évangélique” ?
Qu’est-ce qui fait qu’autant d’intellectuels catholiques refusent de rappeler ou de signaler le problème que cela pose, alors qu’il suffit de lire le Nouveau Testament en général, saint Jean et saint Paul, en particulier, pour prendre la mesure du problème cela pose, sous l’angle du surnaturel et sur le plan théologal ?
Peut-on impunément n’être “ni pour ni contre, bien au contraire”, face à la perspective ou tentative de transformation de la religion de la Parole de Dieu en une religion de la conscience de l’homme et du devenir du monde à laquelle nous avons droit depuis l’après-Concile, sinon depuis le Concile lui-même ?