Je viens de lire un entretien avec le père Vincent Feroldi [1], nouveau responsable du Service des Relations avec l’Islam (SRI) de la Conférence épiscopale de France.

Voici les remarques que m’inspirent cet entretien :

Le nouveau responsable du Service pour les relations avec l’islam de la Conférence des évêques de France[2] nous parle « d’un Islam spirituel, chemin qui mène à Dieu et qui permet à des hommes et à des femmes de donner pleinement sens à leur vie. » Lisant cela, je demande alors à la Conférence des évêques de France pourquoi il faudrait encore être chrétien, s’il est vrai que l’islam mène à Dieu et permet de donner pleinement sens à notre vie ! Ce bon père nous invite-t-il à devenir musulman ? Que peut désirer d’autre celui qui veut aller à Dieu et donner pleinement sens à sa vie ? Mais est-on encore chrétien lorsqu’on croit que l’islam mène à Dieu ? Y a-t-il plusieurs chemins pour aller à Dieu ? Est-on encore chrétien lorsque l’on nie que Jésus est le seul chemin pour aller à Dieu (Jn 14.6) ? L’autorité épiscopale est-elle engagée par ce propos ?

« Dans l’opinion publique, Islam égale djihadisme égale violence. Or je connais de nombreux Musulmans témoins de la foi et qui vivent profondément les valeurs évangéliques. » Le père Feroldi se rend ici coupable de l’utilisation aussi courante que désastreuse du procédé de l’amalgame par lequel est transférée la bonté naturelle des musulmans à l’islam. La bonté naturelle dont peuvent faire montre des musulmans ne doit pas être mise au compte de l’islam, mais de la nature humaine, que Dieu a créée bonne, raison pour laquelle il y a des braves gens partout. Dieu fait « lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. (Mt 5.45) » Les musulmans, partageant la même nature humaine que les autres hommes, sont, comme chacun d’eux, libres d’obéir aux injonctions de leur conscience, de faire le bien plutôt que de faire le mal, de vivre profondément « les valeurs évangéliques » ou pas. Et s’ils choisissent de vivre « les valeurs évangéliques », ce ne peut jamais être à cause de l’islam, mais toujours en dépit de l’islam, nonobstant les éléments positifs que l’islam contient, comme la reconnaissance de l’existence du Dieu créateur et son unicité, lesquels ne sont présents que pour mieux faire accroire au bien-fondé du rejet de la foi chrétienne qui est la raison d’être de l’islam. « Aucun arbre mauvais ne donne de bons fruits » (Mt 7.18). A ne pas faire cette distinction entre islam et nature humaine est catastrophique, puisqu’elle conduit à aimer l’islam…  Comment jamais croire que l’islam niant l’accomplissement parfait, universel et définitif du salut réalisé en Jésus et rendu présent dans et par l’Église, puisse venir d’ailleurs que de l’enfer ? Quant aux valeurs évangéliques, elles auraient dû être écrites entre guillemets, comme l’enseigne l’encyclique Redemptoris Missio, car l’on ne peut vraiment vivre les valeurs évangéliques qu’en communion avec Jésus, ce que l’islam se fait précisément gloire de refuser (Coran 2.116 ; 4.171 ; 10.68 ; 23.91 ; 43.81). « Certes, le Royaume des Cieux exige la promotion des biens humains et des valeurs que l’on peut bien dire « évangéliques », parce qu’elles sont intimement liées à la Bonne Nouvelle. Mais cette promotion, à laquelle l’Église tient, ne doit cependant pas être séparée de ses autres devoirs fondamentaux, ni leur être opposée, devoirs tels que l’annonce du Christ et de son Évangile, la fondation et le développement de communautés qui réalisent entre les hommes l’image vivante du Royaume. Que l’on ne craigne pas de tomber là dans une forme d’« ecclésiocentrisme » ! »[3] De deux choses l’une, soit notre nouveau responsable national des relations avec les musulmans flatte publiquement l’islam dans l’espoir de se faire aimer des musulmans, et dans ce cas il n’est pas un serviteur du Christ (Ga 1.10), soit il ignore ce qu’est l’islam, et dans ce cas il n’est pas à sa place. Je ne vois pas d’autre raison possible de l’utilisation de cet amalgame.

« Je veux servir cette rencontre entre croyants et favoriser une présence harmonieuse et constructive au sein de l’espace public. » Quelle présence harmonieuse peut-on espérer avec les musulmans à qui Allah commande : « Combattez-les [chrétiens] jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’association [d’Église] et que la religion soit uniquement à Allah, à lui seul ! (Coran 2.193) » ? En sorte qu’Allah leur fait dire : « Entre nous et vous, c’est l’inimitié et la haine à jamais jusqu’à ce que vous croyez en Allah, seul ! (Coran 60.4) » ?

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Le père Feroldi évoque ensuite les mariages islamo-chrétiens, grands pourvoyeurs de conversions à l’islam, puisqu’un non-musulman ne peut pas épouser une musulmane, à moins de se convertir à l’islam (Coran 2.221), ce que tous les pays musulmans exigent, et à quoi l’administration française se soumet dans le cadre de ses accords bilatéraux. Je saisis l’occasion de faire remarquer que pour un chrétien, professer la foi musulmane, la Chahada, signifie apostasier la foi chrétienne, et donc perdre la vie éternelle… Je sais que des prélats ― jusqu’au Vatican ― conseillent d’accepter ce qu’ils veulent considérer comme une simple formalité, mais Notre Seigneur a enseigné à préférer Son amour à tout autre : « Si quelqu’un vient à Moi sans Me préférer à quiconque [y compris son conjoint], il ne peut être mon disciple. » (Lc 14.26) Le responsable du SRI regrette que les familles ne voient pas d’un bon œil de telles unions, parce que ces couples « veulent donner une dimension spirituelle à leur union ». Mais quelle union spirituelle peuvent envisager des personnes divisées jusque dans leurs relations à Dieu, Source et Fondement de l’amour ? Comment ne faire qu’un sans être unis au même Dieu ? Qu’y a-t-il de plus important ici-bas et pour l’éternité que notre union à Dieu ? Est-ce sans raison que saint Paul demandait à ce que l’on se marie « dans le Seigneur seulement (1 Co 7.39) » ? Les Orthodoxes ne bénissent pas de mariages islamo-chrétiens, et les évêques d’Italie ont eu le courage de les déconseiller « du fait que l’islam considère la femme inférieure à l’homme, du fait que pour l’islam le mariage n’est qu’un simple contrat, que l’homme peut annuler quand il le souhaite, et du principe selon lequel les enfants appartiennent au père et doivent nécessairement suivre sa religion, au point que la mère ne peut même pas exiger que les enfants lui soient confiés en cas de décès du mari. »[4]

Dans le contexte des relations islamo-chrétiennes, où prévaut l’ignorance de la foi chrétienne, tant du côté musulman que souvent aussi du côté chrétien, il importe de toujours expliciter les notions utilisées, d’utiliser toute occasion pour faire œuvre catéchétique. Or, un propos comme celui-ci : « L’esprit du Christ n’est pas réservé à ma communauté. Il est aussi présent au cœur de mes frères musulmans », témoigne d’une grave confusion, et au carré, qui favorise l’hérésie de l’indifférentisme religieux.

  • Premièrement, elle laisse entendre que les musulmans sont nos frères. Ce qui n’est pas le cas, puisque est frère d’un chrétien celui qui fait la volonté de Dieu (Mc 3.35), or celui qui obéit à l’islam ne fait pas la volonté de Dieu. Ou alors, encore une fois, que la Conférence des évêques nous dise pourquoi il faudrait encore rester chrétien et ne pas devenir musulman ! Certes, on dira que nous sommes frères en humanité. Mais cet essai de justification n’a rien de pertinent, car se situer sur ce plan n’a rien de proprement chrétien : on peut très bien être homme sans être chrétien (Cf. Mc 3.35 : 2 Co 5.16 ; 11.18).
  • Deuxièmement, le propos laisse entendre que le Saint-Esprit serait présent chez les musulmans comme il l’est dans l’Église. Or, le Saint-Esprit n’est présent en tout homme que comme un étranger de passage, tel le vent qui passe pour inviter à chercher Dieu et à Le reconnaître dans le Christ (Jn 3.8), tandis que chez un chrétien, Il y est chez Lui (2 Tm 1.14), à demeure, devenu avec lui un seul esprit (1 Co 6.17 ; He 6.4), pour le spiritualiser et diviniser (2 P 1.4). C’est tout de même autre chose ! Si le Saint-Esprit était présent chez les non-baptisés comme chez les baptisés, pourquoi encore faudrait-il demander le baptême pour recevoir le Saint-Esprit (Ac 2.38) ?! « L’Esprit Saint demeure dans l’Église, la vivifie de ses dons et de ses charismes, Il la sanctifie, la guide et la renouvelle sans cesse. Il en résulte une relation singulière et unique qui, sans exclure l’action du Christ et de l’Esprit Saint hors des limites visibles de l’Église, confère à celle-ci un rôle spécifique et nécessaire. D’où aussi le lien spécial de l’Église avec le Royaume de Dieu et du Christ qu’elle a ‘la mission d’annoncer et d’instaurer dans toutes les nations.’ »[5] On ne voit pas que le dialogue joue son rôle s’il gomme la spécificité chrétienne pour l’identifier à la condition d’autrui.

Enfin, le père Feroldi nous dit avoir « pu communier profondément à ce temps de prière » qu’est de la fête de l’Aïd-al-Adha. Mais comment est-il possible de communier à une prière antichrétienne ? Ce prêtre n’a-t-il pas appris que « La prière commune est basée sur une foi commune, et donc pleinement partagée par ceux qui s’y associent »[6] ? Même le cardinal Tauran le reconnaît : « Prier ensemble, cela s’appelle du syncrétisme »[7]… une hérésie. Je souhaiterais que les membres de l’Eglise impliqués dans le dialogue inter-religieux méditent davantage ce commandement de saint Paul : « Ne formez pas d’attelage disparate avec des infidèles. Quel rapport en effet entre la justice et l’impiété ? Quelle union entre la lumière et les ténèbres ? Quelle entente entre le Christ et Béliar ? Quelle association entre le fidèle et l’infidèle ? » (2 Co 6.14-15)

Tout semble fait aujourd’hui non pas pour fortifier les fidèles contre l’islam[8], qui n’a d’autre raison d’être que de détruire le christianisme et conduire en enfer, mais pour le leur faire aimer. A quoi sert au fond le dialogue islamo-chrétien, et le SRI qui est à son service, sinon à donner à l’islam la respectabilité dont il a besoin pour islamiser en toute tranquillité la société, et donc les chrétiens eux-mêmes ? Sans douter des bonnes intentions du père Feroldi, je suis porté à prendre au sérieux la dénonciation par Notre Dame à Akita des compromissions par lesquelles Satan s’introduit dans l’Église. De même que j’ai horreur de voir l’Église catholique siéger au sein de la Conférence des Responsables de culte en France, parce que, selon la volonté de la religion républicaine pour qui toutes les religions se valent, elle donne ainsi à voir qu’elle a renoncé à s’affirmer comme la seule vraie religion, « colonne et le fondement de la vérité » (1 Tm 3,15), favorisant ainsi l’indifférentisme[9], de même, je souhaiterais que nous n’ayons pas de relation avec l’islam, pas de SRI* ! N’est-ce pas ce que demande le doux saint Jean, l’Apôtre de l’Amour : « Si quelqu’un vient à vous sans apporter cette doctrine [l’Évangile], ne le recevez pas chez vous et abstenez-vous de le saluer. Celui qui le salue participe à ses œuvres mauvaises. » (2 Jn 1.10-11) ?

Abbé Guy Pagès, 03.10.2015

* Depuis, le SRI a été remplacé par le Service national des relations avec les musulmans (SNRM)… Un effet de cet article ?équipe-sri-nvelle-2-300x228

(L’équipe du SRI. De gauche à droite: C. Desfray-Chopick ; Frère J-F Bour, o.p. ; Père V. Feroldi ; Sœur C. Hamza ; A. Perouchine)

Cet article a été repris par Riposte Catholique.


[1] La photographie du père Feroldi illustrant l’article nous le montre habillé en civil, et en cela dans la désobéissance vis-à-vis de l’Église, laquelle ne cesse de demander aux prêtres de porter l’habit ecclésiastique (can. 284), en sorte que si « L’habit ecclésiastique est le signe extérieur d’une réalité intérieure »[10], on a envie de demander à ce prêtre d’aller se rhabiller… En un temps où les repères traditionnels disparaissent, tandis que surgissent de partout les voiles des musulmanes et les qamis de leurs maris, comme il est judicieux de mépriser cet humble témoignage de fidélité à l’Église, d’annonce de la Présence du Dieu sauveur parmi nous ! Et bien que l’Église demande à ce que cette désobéissance soit supprimée par « l’autorité compétente »[11], nos évêques, de ce devoir, depuis des décennies, semblent n’avoir cure. C’est bien dommage, car outre le manque d’amour de l’Église qu’enseigne une telle attitude, c’est encore un excellent moyen de ruiner l’autorité : comment demander aux fidèles de témoigner de la foi lorsque soi-même on refuse d’en témoigner par ce moyen si simple de l’habit ? Et comment demander à des personnes le respect du devoir d’obéissance lorsque soi-même on est infidèle à la promesse d’obéissance faite à chacune de ses ordinations ? Certes, l’air supérieur, on dira que maintenant on est habitués, et qu’« il y a plus important », et l’on piétinera ainsi un peu plus la Parole du Seigneur qui enseigne : « Celui qui est fidèle en peu de choses l’est aussi en beaucoup, comme celui qui est malhonnête en peu de choses est aussi malhonnête en beaucoup. (Lc 16.10) »… Leçon que l’entretien  en question ne va malheureusement pas invalider.

[3] St Jean-Paul II, Redemptoris Missio, n°19.

[5] Redemptionis Missio, n°18.

[8] Ce qu’a pourtant demandé Jean-Paul II (cf. Ecclesia in Europa, n°57).

[9] « De telles entreprises ne peuvent, en aucune manière, être approuvées par les catholiques, puisqu’elles s’appuient sur la théorie erronée que les religions sont toutes plus ou moins bonnes et louables, en ce sens que toutes également, bien que de manières différentes, manifestent et signifient le sentiment naturel et inné qui nous porte vers Dieu et nous pousse à reconnaître avec respect sa puissance. En vérité, les partisans de cette théorie s’égarent en pleine erreur, mais de plus, en pervertissant la notion de la vraie religion ils la répudient, et ils versent par étapes dans le naturalisme et l’athéisme. La conclusion est claire: se solidariser des partisans et des propagateurs de pareilles doctrines, c’est s’éloigner complètement de la religion divinement révélée. » (Pie XI, Mortalium animos)

[10]  Congrégation pour le Clergé, Directoire pour la vie et le ministère des prêtres, n°61.

[11]  idem n°61 b.