Du salafisme à Jésus-Christ

Je me suis converti à deux reprises. À 16 ans, j’ai choisi l’islam, entraîné par des jeunes en qui j’ai trouvé une famille, un tremplin vers le salafisme. Seize ans plus tard, grâce à mes études approfondies des textes religieux, j’ai compris que Jésus est le Fils de Dieu et j’ai demandé le baptême.

Mon parcours chaotique a rejoint il y a tout juste cinq ans le « Chemin, la Vérité et la Vie » (Jean 14, 6). Mais tout a commencé début 2002, alors que je n’avais pas encore 15 ans. Quelques années après la victoire de la France en Coupe du monde (1998), passionné par l’Olympique de Marseille, je caressais le rêve de devenir footballeur professionnel, m’entraînant au moins trois heures par jour en section sport-étude, avec l’espoir de gagner des trophées à faire pâlir. Un jour, mon ambition a pris un tournant décisif quand l’entraîneur du club voisin classé en première division, la RAAL La Louvière, m’a proposé de signer un contrat semi-professionnel. J’avais été repéré, une chance dont j’étais parfaitement conscient. Mais voilà que mon père, qui attendait mon bulletin scolaire pour sceller mon avenir, m’a taclé : mes résultats étaient insuffisants. Alors que mon rêve s’écroulait comme un château de cartes, la haine que je vouais à mes parents a monté en flèche. Je me rappelle avec amertume : « Jamais je n’ai reçu un encouragement ; on ne fêtait pas mon anniversaire ni Noël, à tel point qu’à l’école, on me prenait pour un témoin de Jéhovah. »

Les raisons d’une conversion

Déçu par le football, je me suis complètement isolé, jusqu’au jour où j’ai rencontré deux jeunes Marocains de mon âge dans un parc du quartier. Ils n’étaient pas musulmans pratiquants, contrairement à leurs deux grands frères, que je n’ai pas tardé à rencontrer. Autour d’un délicieux tajine, bientôt suivi de bien d’autres plats marocains, j’ai découvert la chaleur d’une famille tout en apprenant les rudiments de l’islam. Les deux grands frères, Abdou-Salam et Salim, m’ont fait découvrir les DVD des conférences d’Ahmed Deedat, grand apologète et théologien indien. J’ai adhéré à sa doctrine et j’ai acheté 19 livres, tous signés de cet homme dont 80 % du contenu consistait à fustiger la religion chrétienne. « Je me rappelle avoir choisi des petits livres que je pouvais transporter partout avec moi. »

Bientôt, le grand jour arrive. En février 2002, je découvre pour la première fois l’intérieur d’une mosquée. L’odeur y est agréable, et je suis frappé par l’extraordinaire humilité des fidèles, recroquevillés sur leurs tapis. Ils se sont même lavés à l’eau glacée pour approcher Dieu d’une manière différente des autres créatures, ce qui me plaît énormément. En écoutant l’appel à la prière du muezzin, je suis charmé tant par la mélodie que par les mots qui me sont traduits. Quelques minutes plus tard, la prière prend fin, et le cœur battant, je m’exclame : « Ce que je vois là, c’est la religion de Dieu ! » L’imam me donne alors la clé pour devenir musulman sur-le-champ : prononcer les deux phrases « J’atteste qu’il n’y a de divinité digne d’adoration qu’Allah. J’atteste que Mohamed est le Messager d’Allah. » Je m’exécute, trop heureux d’intégrer cette famille paisible qui me remarque et m’apprécie. « S’il est si facile de devenir musulman, c’est que Dieu m’envoie un signe », pensé-je. Fils d’une juive ashkénaze, je ressors de la mosquée en musulman convaincu sous le nom de Soulayman et rentre chez moi pour faire mes grandes ablutions.

Les liaisons dangereuses

Rapidement, Internet me révèle, alors que j’ai soif d’égaler voire de dépasser mon imam, que la mosquée que je fréquente ne respecte pas à la lettre la tradition islamique ni le Coran. À mesure que je m’éloigne de la famille marocaine et de la grande mosquée de Charleroi, je me rapproche à grands pas d’un bastion salafiste bruxellois. J’y découvre avec émerveillement l’authenticité que je recherchais tant : des frères qui portent leurs vêtements au-dessus des chevilles, qui laissent pousser leur barbe et qui maîtrisent l’arabe littéraire, ma nouvelle obsession. À 18 ans, avec une épouse, également voisine et convertie, je pars sur les conseils d’un ami salafiste apprendre la langue en Égypte. J’ai un certain talent pour cela, et encore aujourd’hui, l’un de mes amis arabes, Saïd, dit à mon sujet : « Il parle mieux l’arabe que moi, sans accent, c’est incroyable ! »

En 2009, à près de 23 ans, je débute mes études en Arabie Saoudite, à l’université islamique de Médine, le meilleur établissement pour se former à l’islam. Élève studieux, je me distingue rapidement par mes compétences : j’analyse la Bible, le Coran et de nombreux autres livres avec tant de rigueur que je deviens vite un spécialiste reconnu, imam et prêcheur capable de convertir les foules.

Sous un soleil de plomb en octobre 2014, j’effectue mon premier grand pèlerinage à La Mecque, entièrement financé par le royaume saoudien. À la vue de dizaines de corps tombant dans une bousculade, piétinés par la foule au nom d’un Dieu qu’ils adorent et d’un Messager qu’ils vénèrent, les premiers doutes commencent à ébranler mes convictions. “Est-ce là la religion de Dieu ? Ce chaos physique et matériel n’est-il pas le reflet d’un autre chaos, plus spirituel ?” La Jérusalem céleste, que j’ai connue à travers mes lectures, occupe alors toutes mes pensées… Quelques semaines plus tard, lorsque j’exprime mes doutes sur la crucifixion de Jésus – réfutée dans l’islam – à l’éminent savant et imam saoudien, Cheikh Souleyman Ar-Rouhayli, sa réponse est sans appel : il n’y a pas de place pour le doute dans l’islam. Qu’à cela ne tienne, il n’y aura point de doutes… pour le moment.

La perfection du Christ

Malgré cinq années passées en Arabie Saoudite et deux séjours au Maroc entre 2015 et 2017, je n’ai jamais pleinement adhéré à certaines pratiques courantes de l’islam. J’ai ainsi refusé à deux reprises d’accorder la main de ma fillette, âgée de 8, puis 10 ans, à des hommes ayant trois, voire cinq fois son âge. Je n’ai pas non plus accepté les avances de plusieurs femmes musulmanes – qui rêvaient de devenir la deuxième épouse d’un Européen converti – ni les propositions de rejoindre le djihad. Je me souviens parfaitement : “La première fois, c’était en 2008 en Belgique : un Italien converti m’a proposé de partir avec lui pour l’Irak. Puis en 2015, des universitaires tchétchènes à Médine m’ont demandé si je voulais rejoindre Daesh en Syrie. À chaque fois, j’ai refusé poliment.”

Puis, un beau jour, Dieu décide qu’il est temps de me ramener dans Son pré. Fin 2017, une énième lecture des Évangiles, associée à celle d’un livre du savant traditionaliste égyptien Mohamed Khalil Harras, me conduit, le vendredi 12 janvier 2018, à prononcer ma première prière non musulmane sur le sacrifice d’Isaac. Dans les secondes qui suivent, Dieu me répond : une feuille soufflée par le vent vient se coller sous le panneau de la rue où je me trouve : rue Isaac. La perfection du Christ, sa singularité aussi bien dans l’islam que dans le christianisme, ainsi que son sacrifice sans précédent par amour pour sa création, me touchent pour toujours : “Le 4 mars, dans une prière d’abandon total à Dieu, je me convertis seul, pour Jésus.”

Le 17 et le 24 juin 2018, je suis baptisé puis confirmé dans des églises évangéliques de Charleroi. Lors de ces événements, deux personnes qui ne se connaissent pas me disent la même chose : “Tu deviendras comme Paul de Tarse et seras appelé à un grand ministère.” Aux yeux de l’islam, je deviens un apostat, menacé de mort. Pendant trois ans, j’évite la communauté chrétienne pour ne pas la mettre en danger, mais ma foi est trop forte pour rester en retrait.

Les doutes que j’avais autrefois ont disparu, et mon rêve actuel n’est plus centré sur moi-même : je souhaite désormais offrir à chacun la chance de rencontrer Jésus. “Jusqu’à ce jour, je suis ébloui par la figure parfaite du Christ”, je conclus.

Site de Bruno : Nour al-Aalam