La vidéo montre Al-Anoud Hussein Chariane, 19 ans, Yéménite, mariée à 12 ans, répudiée à 16, défigurée à l’acide par son ex-mari, recevant un traitement dans un hôpital de Sanaa, le 28 janvier 2021.
Le sort d’Al-Anoud Hussein Chariane illustre celui de nombreuses filles au Yémen qui subissent maltraitances et abus dans une société à la misogynie enseignée par l’islam.
“Il m’a saisi par les cheveux et a versé l’acide en riant”, se rappelle Al-Anoud. Elle a presque perdu l’oeil gauche et son visage et corps ont été atteints de profondes brûlures.
“J’ai vécu l’enfer”, dit-elle pour décrire ses années de mariage qu’elle a passées enchaînée et souvent battue.
A la mort de son père, sa mère s’est remariée et s’est empressée de lui trouver un mari. “Elle a voulu me protéger”, ajoute la jeune femme en cherchant à la défendre.
Mais pendant ses quatre ans de mariage, Al-Anoud a vécu comme une “esclave” selon ses mots.
Elle a fini par être répudiée et se réfugie chez sa soeur. Néanmoins, son ex-mari exige quelques années plus tard qu’elle revienne au foyer. Devant son refus il l’agresse en octobre dernier dans la maison de sa soeur… en lui jetant de l’acide au visage.
“La guerre a accentué les violences qu’elles subissent”, explique à l’AFP Tayseer Walid de l’Union des femmes du Yémen, une ONG locale.
Après son hospitalisation dans une clinique où elle était en formation pour devenir infirmière, Al-Anoud, attend aujourd’hui trois opérations de chirurgie plastique pour réparer ce qui peut encore l’être.
Son médecin traitant, le docteur Moutawakal Chahari, reconnaît la complexité de cette procédure et son coût élevé alors que les factures des premiers soins n’ont pas encore été réglées. Mais, insiste-t-il, “les effets psychologiques sont irréparables”.
Quand il s’agit de la condition des femmes au Yémen, les chiffres parlent d’eux mêmes. Selon une enquête menée par l’ONU en 2013, 32% des Yéménites âgées de 24 à 32 ans ont déclaré avoir été mariées avant 18 ans, dont 9% avant 15 ans. L’Unicef a estimé que le pays de près de 30 millions d’habitants comptait en 2020 quelque 4 millions d’enfants mariés, dont 1,4 million ont moins de 15 ans.
Dans un rapport publié en 2020, le fonds de l’ONU pour la population (UNFPA), chargé notamment des questions sexuelles et reproductives, a estimé à 2,6 millions le nombre de femmes et de filles exposées à la violence sexiste au Yémen. Et, avec le covid-19, “les cas de violence domestique sont en augmentation”.
Les violences faites aux femmes ont été exacerbées par la crise humanitaire qui s’est aggravée au Yémen avec la guerre depuis 2014.
Pour lutter contre le phénomène des violences liées au sexe au Yémen, le Programme de l’ONU pour le développement (PNUD) a lancé une rare initiative. Avec le soutien du gouvernement japonais, il a lancé une application mobile pour fournir des conseils aux survivants de ces violences. La plateforme décrit les services de protection et d’aide aux survivants.
“La guerre a exacerbé les problèmes auxquels les femmes sont confrontées, notamment la violence accrue”, a constaté le PNUD dans un communiqué. Depuis 2015, date de l’intervention militaire de l’Arabie saoudite au côté du pouvoir au Yémen, “la violence à l’égard des femmes et des filles a augmenté de 63%”, selon la même source.
Al-Anoud dit, elle, avoir déposé plainte à Sanaa contre son tortionnaire, en fuite, et attendre une action de la justice qui ne vient pas.
La jeune femme a appelé aussi à l’aide les services compétents, les ONG locales et internationales pour pouvoir “réparer” sa vie.
“Je veux que ce criminel soit jugé, je veux reprendre mes études et reconstruire ma vie!”
Voir aussi : Du goût acide de l’amour en islam
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