Le Christ Jésus est venu donner Sa vie en rançon pour une multitude (Mc 10.45), nous sauver du pouvoir du démon, dont le péché est l’œuvre par excellence, et de la mort, qui en est sa conséquence ultime. Pour cela, Il a accepté de mourir, afin, par Sa résurrection, de tuer la mort ! Mais Jésus n’a pas seulement vaincu la mort, Il l’a soumise à Son pouvoir, Il en a fait l’occasion d’offrir notre vie à Dieu, de faire de notre vie une offrande d’amour à Celui qui est l’Amour en personne, à qui nous devons tout, et qui mérite d’être aimé plus que tout, plus que nous-mêmes ! Grâce à Jésus, la mort est devenue le passage de cette vie qui passe à la vie qui ne passe pas. Une nouvelle naissance ! La naissance à la vie éternelle. S’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour qui l’on aime, alors qui, plus que Dieu, est digne de recevoir le don de notre vie ? Et c’est ainsi qu’en donnant notre vie à Dieu, nous la sauvons, car Lui, et Lui seul, est capable de nous la garder pour l’éternité…
Bref, tout chrétien digne de ce nom devrait savoir mourir ! Mais, chose curieuse, la plupart s’imagine qu’ils sauront mourir sans l’avoir jamais appris… Combien fuient ainsi la pensée de la mort ! Pourtant, de son acceptation dépend le détachement des vanités de ce monde, le sérieux de la vie intérieure, et la capacité à goûter déjà aux joies du Paradis… Ce qui faisait dire à saint Paul : « Mourir est pour moi un gain (Ph 1.21) » !
Certes, la mort est un mal en soi, mais au-delà de son aspect douloureux, absurde ou révoltant, ce qui la rend dramatique au-delà de toute imagination, c’est le fait qu’elle est un arrachement définitif…
La maladie, les contractions, le visage hideux, les râles, les affres de l’agonie, tout cela est effrayant, mais n’est que l’aspect visible de la mort. la foi du chrétien lui donne de voir le terme de l’exil, la fin des péchés, les bras ouverts de Notre Seigneur, et Son sourire ! Voilà qui est beau, enviable, enthousiasmant ! Pour celui qui aime vraiment Jésus, la mort est vraiment le plus beau jour de la vie ! Le jour auquel il pense avec une joie sans pareille ! C’est l’heure où il va enfin voir Dieu, et recevoir la révélation de ce que son existence avait de caché dans le Christ ! La nature divine, dont Il est devenu participant le jour de son baptême, et qui l’a envahi de plus en plus, à chaque messe, à chaque communion, à chaque acte de vertu, lui apparaîtra alors dans toute sa splendeur !
C’est parce que les hommes ne voient que l’envers de la mort que leur vie ici-bas est misérable. Mais pour qui vit en Jésus, mort et ressuscité, chaque jour est une fête ! Nous, qui à chaque Credo, professons : « Je crois à la vie éternelle », prenons cette parole au sérieux, et nous ne serons pas tristes comme ceux qui n’ont pas d’espérance (1 Th 4.13) !
Pour un chrétien, la mort n’est pas l’épilogue malheureux de l’existence ou un accident irréparable. Elle a une toute autre signification. Elle est sa principale participation à la Passion de Notre Seigneur (Col 1.24). En effet, en mourant, le Christ a offert dans ses moindres détails et jusqu’à la fin du monde, Son corps mystique, composé de toutes les âmes en état de grâce, c’est-à-dire, je l’espère, de chacune de nos vies, et donc aussi, chacune de nos morts. C’est ainsi que notre mort, unie à celle du Christ rédempteur, nous donne une part dans le rachat du monde. Aucune langue ne peut dire la beauté d’une telle mort, puisqu’elle s’identifie à celle du Maître, dont la valeur est infinie…
La mort du Christ ne s’est pas accomplie au hasard, mais selon un rite minutieusement déterminé par Son Père, de toute éternité. Les Prophéties en avaient annoncé chaque détail. Dans le dessein divin, la mort du Christ et les nôtres n’en faisaient qu’une seule et même et constituaient l’Hommage parfait de l’Humanité régénérée. Chacune d’elles, comme celle du Christ, était présentée avec son rite. Aussi, la grande disposition pour mourir en chrétien est donc l’acceptation totale et sans arrière pensée des détails de notre fin. Quand on sait par qui ils ont été décidés, comment pourrait-on les refuser ? Ainsi envisagée, dans sa sublime réalité, notre mort prend un aspect de grandeur et de dignité qui la rend enviable. Collaborer au grand hommage du Christ à Son Père, en jouant dans cette symphonie universelle de Sa mort, la note qu’Il veut, n’est-ce pas un honneur immense, dont nous devons être fiers ?
Mais une acceptation n’est sincère que si elle est totale. Alors qu’au moment de la mort, la joie serait la plus grande marque d’amour, il faut malheureusement constater que les morts joyeuses sont rares. La crainte, et le plus souvent une espèce d’indifférence à l’égard du Christ, empêche l’allégresse. On aime le Christ, mais pour les grâces qu’Il nous accorde, non pour Lui-même. On Le sait capable de nous béatifier, mais on Lui demande que ce soit le plus tard possible. Aucun empressement à courir vers Lui. On répond à ses bras tendus par des bras croisés, quand ce n’est pas en Lui tournant le dos… Cette attitude n’est pas flatteuse pour le Maître… Et s’Il peut la pardonner, parce qu’Il sait l’emprise qu’exerce sur nous le temporel, le visible, le charnel, dont nous hésitons à nous dépouiller, par goût de la jouissance sensible et par peur de l’inconnu, il n’en reste pas moins qu’entre le Christ et l’âme du mourant, une gêne retardera l’union, une gêne que les peines du Purgatoire devront consumer, si toutefois elle n’est pas un péché mortel. En cette année de la Miséricorde profitons de la possibilité qui nous est offerte de gagner des indulgences plénières !
Enfin, si nous sommes venus cette après-midi à la Messe, c’est parce que par ce moyen ― miracle de l’Amour ! ― Jésus nous offre la communion à Son Sacrifice, de pouvoir se donner à Dieu « Par Lui, avec Lui et en Lui » ! Si nous le voulons, nous pouvons, maintenant, entrer en possession de la victoire de Jésus, et puiser en celle-ci toutes les grâces que nous désirons… Unis à Jésus crucifié, disons intérieurement : « Mon Dieu, avec Jésus, je Vous offre Sa mort, et avec Sa mort et en elle, la mienne, en acte de parfaite charité, pour l’expiation de mes péchés, et de ceux d’Yvonne. Elle ne peut plus rien faire pour elle maintenant, mais c’est en son nom que je vous offre maintenant ce suprême témoignage d’amour de votre Fils, et je Vous demande, en vertu de votre Miséricorde infinie, qui me purifie dans Son Sang, de nous rendre dignes, elle et moi, de Vous, Seigneur, qui n’êtes qu’Amour et Miséricorde. »
Ainsi soit-il !
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