La souffrance paraît inexprimable et incommunicable. Et en même temps plus que quoi que se soit d’autre, elle pose des questions de fond et veut des réponses. La souffrance est universelle et comme essentielle à la nature de l’homme le destinant à se dépasser lui-même…
La souffrance inspire la compassion, le respect. Elle intimide, car elle porte en elle la grandeur d’un mystère spécifique… Ce n’est pas sans raison, en effet, si la Rédemption du monde s’est accomplie par la Croix du Christ, c’est-à-dire par Sa souffrance. A la lumière de celle-ci, St Paul écrivait : « Je trouve ma joie dans les souffrances que j’endure pour vous » (Col 1.24). L’Apôtre a donc trouvé sa joie dans la découverte du sens de ses souffrances… non dans la souffrance, mais dans son sens…
Et quel est ce sens ? Eh bien, alors que pour nombre de traditions culturelles et religieuses l’existence est un mal dont il faut se libérer, le christianisme, lui, proclame que l’existence est fondamentalement un bien, que ce qui existe est un bien, que Dieu est bon, que les créatures sont bonnes, et que si l’homme souffre, c’est à cause d’un manque ou d’un refus du bien. Le mal est l’absence ou le refus du bien. C’est là sa définition, de sorte que la souffrance n’est pas synonyme de mal puisqu’elle peut être parfois un bien, comme, précisément, dans l’effort pour échapper au mal. Ainsi, dans la conception chrétienne, la réalité de la souffrance s’explique par le mal, et celui-ci se réfère toujours à un bien…
S’il est vrai que la souffrance a un sens comme punition lorsqu’elle est liée à la faute, il n’est pas vrai que toute souffrance soit une conséquence de la faute ou soit une punition. La figure de Job le juste en est une preuve dans l’Ancien Testament. Job n’a pas été puni : il n’y avait pas de fondement pour lui infliger une peine. Dieu a permis son épreuve en raison de la provocation de Satan. Si le Seigneur a consenti à éprouver Job par la souffrance, ce fut pour montrer la justice de Job, et annoncer la Passion du Christ. La souffrance a un caractère d’épreuve. Mais aussi de miséricorde, pour amener à la conversion (2 Mc. 6.12), à chercher Dieu en comprenant qu’Il vaut plus que tout, et que sans Lui il n’est pas de bien.
La conversion, c’est la reconstruction du bien dans le sujet, le désir d’aller toujours plus loin dans l’abandon à Dieu, dans l’accueil de Sa Miséricorde. La vraie réponse au « pourquoi » de la souffrance ne peut se trouver que si nous contemplons le Christ crucifié en qui se révèle la sublimité de l’Amour divin. Alors, il devient possible de dire comme S. Paul : « Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour Son corps qui est l’Église » (Col 1.24). Alors, nos souffrances peuvent devenir celles de l’enfantement d’un monde nouveau…
« Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique pour que tout homme qui croit en Lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. » (Jn. 3, 16). Autrement dit, l’homme périt lorsqu’il n’a pas la vie éternelle. Le contraire du salut n’est donc pas seulement la souffrance temporelle, mais la souffrance définitive : la perte de la vie éternelle, le fait d’être rejeté par Dieu, la damnation. Et si « Les souffrances du temps présent ne sont rien comparées à la gloire qui nous attend au Ciel » (Rm 8.18), il en va de même comparées aux souffrances de l’Enfer… Par Sa passion, c’est-à-dire par Son obéissance jusqu’à la mort, et Sa résurrection, le Fils unique de Dieu a détruit la domination du péché, enlevé à la mort son pouvoir, et ainsi rendue possible la future résurrection des corps, conditions essentielles de la « vie éternelle », du bonheur définitif de l’homme dans l’union avec Dieu. Ce qui signifie pour les sauvés que la souffrance est totalement effacée !
Dans la souffrance de « l’Agneau de Dieu » (Jn. 1, 29 ; Is. 53.2-6), les péchés sont effacés parce que lui seul a pu les assumer dans un amour pour le Père qui surpasse le mal de tout péché. Dans l’espace spirituel des rapports entre Dieu et l’humanité, Jésus anéantit le mal, en le remplaçant par le bien qu’est le don de Lui-même… Et c’est à ce bien, à ce don de nous-mêmes auxquels Jésus nous invite tous lorsqu’Il dit : « Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix chaque jour, et qu’il Me suive. » (Lc 9.23, 14.27 ; Mt 10.38, 16.24 ; Mc 8.34).
Si les gens savaient qu’ils vont en Enfer, ils feraient pénitence… avec joie !
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