Le manuscrit de Sana’a est daté de la fin du VII e siècle par les spécialistes (environ 10 % du ductus coranique)
Les preuves matérielles du travail des scribes qui insèrent cette doxa sont massives (Voir notamment les annexes de ce PDF de Florence Mraizika). Pris au piège de la sacralité du Livre définie par le calife, ils ne peuvent détruire les feuillets mais vont devoir les laver tout en laissant de précieux indices. Ainsi les interpolations sur le terme livre jouxtent quasiment toujours des interpolations sur les « basics » de l’islam (salat, zakat, obéissance, soumission).
s ajouts sur cet apologétique livresque sont manifestes avec les sourates 74, verset 31 et 73, verset 20. Nous avons l’insertion du dogme de la descente du Livre par la rupture syntaxique. Dans
le codex We II, les hésitations graphiques sur le mot qur’an et le mot Livre sont pléthore. L’observation du codex de Sana’a manifeste la même tendance. Les blancs et les mots noircis ne s’harmonisent plus à cette nouvelle doctrine du Livre « descendu » décrite par les versets 16 à 29 de la sourate 35. Le long exposé de la sourate 27 sur le rôle du Coran est truffé de
rectifications sur le rasm. Le traitement du parchemin est si violent que ce dernier se troue lorsqu’il aborde le rôle du musulman. Ce mot lui-même est très localisé dans le corpus aux sourates 2, 3, 5 et 27. Le mot Livre est concentré pour 50 % sur ces mêmes sourates. La fin de la sourate 27 est absente de la recension du codex We II 1913. Or cette fin de sourate évoque, dans la vulgate, la récitation du Coran du verset 91 au verset 92 ; le verset 91 intime aussi l’ordre d’être musulman, encore un « plaquage » de dernière retouche. Le verset 3/20 manifeste par sa graphie informe son caractère rectifié « à la dernière minute » de l’argument « Livre céleste » et de celui « d’être musulman » (cf. document) ; l’ordre anachronique présent au verset 3/52, adressé aux disciples du Christ d’être « musulmans » s’explique mal également. Par ailleurs, les divers points de cet argumentaire (Livre + musulman) sont souvent conjoints : ils appartiennent à la même strate de la
fabrication de la doctrine. Cette descente du livre est toujours placée en début ou fin de sourate pouvant correspondre à des hauts de feuillets, ce qui facilite les rectifications textuelles. Ces versets si idéologiques et leur absence du codex We II et du Leiden confirment notre hypothèse de leur caractère tardif.
Ainsi, l’étude des formes montre que les versets 34 à 48 sont absents de la sourate 24, de même que les versets 1 à 18 pour la sourate 22, et la fin de la sourate 21 présente des interlignes deux fois plus resserrés. Le codex We II ne possède pas la fin de la sourate 27 et « repart » à la fin de la sourate 34 ; cette anomalie se répète sur le codex Sana’a : on a un passage direct et visuel de la
sourate 27 à la 37. Ce sont autant de preuves d’une organisation différenciée que d’une évolution progressive du corpus. La fin de la sourate 24 (parabole de la lumière empruntée à Plotin) n’est pas présente non plus. Dans le Coran, Dieu peut être nommé Allah ou Rabb (Seigneur). La fréquence de la première dénomination (Allah) par rapport à la seconde (Rabb) oscille de 0 à 100 %
suivant les sourates. Cette anisotropie signifie soit une variabilité du temps de l’écriture, soit une diversité des sources collectées. Ce ratio, proche de 100 % pour les sourates 8, 9, 24, 29, 66, 31, ainsi qu’un faisceau d’indices, les désignent comme postérieures. Les sourates 2, 3, 4 et 5 accusent aussi cette tendance, avec un ratio de 70 %. Ainsi, le Coran est marqué par ses strates rédactionnelles qui sont le fait de la communauté émergente, en quête d’un livre, d’un héros et d’une Alliance. Les témoignages contemporains confortent nos pistes : celui de Jean de Damas ignorant la version de l’Ange Gabriel ; celui du dialogue de 639 au terme duquel aucun livre saint n’est mentionné, ni même aucun messager. Al Kindi (un contemporain) évoque une collecte anarchique des textes.
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