Abbé Guy Pagès Paris, le 11 octobre 2024
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Lettre ouverte aux responsables musulmans
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À l’attention de :
Monsieur le président du Conseil Français du Culte Musulman,
Monsieur le Président de la Fédération Nationale des Musulmans de France,
Monsieur le Président de l’Union des Mosquées de France,
Monsieur le Recteur de la Mosquée de Paris,
Monsieur le Président de Fondation de l’Islam de France,
Monsieur le Président de l’Association Musulmane de France,

Copie :
Monsieur le Ministre de l’Intérieur et des Cultes

Objet : Actes de vandalisme à dénoncer par vos soins

Messieurs les Présidents, Monsieur le Recteur,

Cette lettre vous est adressée collectivement parce que je désire m’adresser à tous les responsables musulmans, et elle l’est publiquement car, même parmi les non-catholiques, nombreux sont ceux qui apprécient l’incomparable trésor artistique donné par la civilisation chrétienne et qui, comme moi, sont tristes et révoltés de voir s’accroître le nombre des déprédations de nos églises et de bris de nos statues commis un certain nombre de fois par des personnes se réclamant de votre culte, certainement désireux d’imiter Mahomet qui détruisit les idoles de la Kaaba.
C’est pourquoi je vous demande d’expliquer à vos fidèles que, contrairement à ce qui est fréquemment enseigné chez vous dans l’intention de justifier l’appartenance au « pur monothéisme » que serait l’islam, nos représentations artistiques ne sont pas des idoles.

Une idole est en effet une créature adorée à la place de l’unique et vrai Dieu. Or les chrétiens n’ont pas attendu l’islam pour savoir et professer qu’il n’y a qu’un seul Dieu – la raison suffit à le comprendre ! – et en conséquence à L’adorer, comme le montrent les accusations faites à saint Paul par les Grecs païens : « Ce Paul, par ses raisons, a entraîné à sa suite une foule considérable, en affirmant qu’ils ne sont pas dieux, ceux qui sont sortis de la main des hommes (Ac 19.26) ».

Lorsque Dieu a donné le commandement : « Tu n’auras pas d’autres dieux devant Ma face ; tu ne te feras pas d’image taillée, ni aucune figure de ce qui est en haut dans le Ciel, ou de ce qui est en bas sur la terre, ou de ce qui est dans les eaux au-dessous de la terre ; tu ne te prosterneras point devant elles et tu ne les serviras pas (Ex 20.3-4) », Il n’a pas interdit l’utilisation d’images, puisqu’Il en recommande l’usage (Cf. Ex 25.18-20 ; Nb 7.89, 21.7-9 ; 1 R 6.18,23,29,32 ; 7.29,36,40 ; 10.20 ; 2 R 25.17 ; 1 Ch 28.18 ; 2 Ch 3.5,7,10,14,16,17 ; 4.4 ; 5.16 ; 9.18-19), mais il a prohibé le culte des idoles. Ce n’est pas la même chose ! Que Dieu ne soit pas contre l’usage d’images se voit par exemple dans la vie de Moïse, qui conversait avec Dieu à travers Son Image (Nb 12.8 ; Col 1.15). Parce que le propre de l’image est d’élever le regard jusqu’à son modèle, les chrétiens se servent des images de Jésus, de Marie, et des saints, pour élever leur esprit jusqu’à eux, bien vivants en Dieu, le Vivant, avec qui ils ne font désormais qu’un et pour toujours (Ps 98.9 ; Jn 17.21 ; Rm 1.20). L’idiot et tous les iconoclastes gardent les yeux fixés sur le doigt qui leur montre la lune, mais les gens sensés distinguent aisément leurs amis des photographies qui les représentent.

« Qui Me voit, voit le Père, disait Jésus (Jn 14.9) » Grâce au mystère de l’Incarnation, la foi chrétienne a pu donner à l’art son fondement et sa justification véritables : révéler que Dieu est Beauté ! La beauté est, en un certain sens, l’expression visible du bien. Aussi, la mission de l’artiste est-elle de susciter l’émerveillement, de réveiller le souvenir du Paradis perdu, et pour l’artiste chrétien, de conduire l’âme à percevoir quelque chose de la Béatitude qui nous est offerte en Jésus, Dieu fait homme (cf. Coran 21.91). Une belle image témoigne de la Beauté, laquelle est Dieu.
D’ailleurs, puisqu’Allah lui-même emploie des images, y compris pour se décrire (Coran 24.35), et commande la fabrication de statues (Coran 34.12-13), et que vous-même rendez un culte à la pierre noire de La Mecque, symbole féminin de la déesse Shaybah, toujours recouverte de son voile noir, le kiswa, et utilisez l’image de la lune, symbole de la divinité mésopotamienne de la fécondité, Nanna/Sîn, invoquée au début de la sourate 36, souvent associée à l’image de la déesse Al-Uzzah, symbolisée par une étoile, la planète Vénus, sur le toit de vos mosquées et vos drapeaux … pourquoi dites-vous que représenter Dieu soit impossible, et qu’utiliser des images soit mauvais ?

L’interdiction musulmane de la représentation est liée à la consubstantialité de l’image et de son modèle, à la substitution magique de l’un à l’autre. La représentation des créatures, et même les traductions du Coran, sont considérées comme des contestations du pouvoir d’Allah, qui seul donne forme à ce qui est. Contestation démultipliée par la prolifération de réalités rivales des siennes … Or, l’art figuratif n’a pas plus à voir avec l’idolâtrie que ce que l’écriture a à voir avec la magie. Mais comment le refus d’accueillir Jésus (Coran 61.14), le Principe de la Création (Jn 8.25 ; Ap 1.8 :), l’Image du Père (Col 1.15 Cf. Coran 5.47 ; 19.34 ; 61.14), pourrait-il ne pas condamner toute création ? Et si « Les anges n’entrent pas dans une maison où se trouve un chien ou une image. (Mouslim 4, 54, 539) », alors les anges d’Allah ne peuvent se tenir nulle part, puisque toute la Création réfléchit la Toute-Puissance et la Bonté du Créateur …

Bien sûr, le fait que la Parole de Dieu Se soit incarnée dans le sein de la Vierge Marie (Coran 3.45 ; 21.91) ne signifie pas que Dieu puisse être vu seulement avec des yeux de chair (1 Jn 1.1-2). D’ailleurs, on voit si peu avec des yeux de chair, que Jésus est venu « non seulement pour que les aveugles voient, mais aussi pour que ceux qui voient deviennent aveugles » (Jn 9.39) …
Qu’Allah confesse que Jésus est la Parole de Dieu incarnée (Coran 3.45 ; 4.171 ; 19.34), implique, soit que la Parole de Dieu est Dieu, et donc que Jésus est Dieu, car Dieu est Un, soit qu’elle n’est pas Dieu, et alors Dieu serait sans parole … Dans un cas comme dans l’autre, que Jésus soit Dieu ou que Dieu soit sans parole, que devient l’islam ?
Vous ne vous rendez pas compte qu’en refusant d’adorer Jésus, la Parole de Dieu incarnée, vous imitez Iblis, le Diable, qui refusa d’adorer l’humanité divinisée (Coran 15.32 ; 38.75). À la place du Verbe de Dieu incarné pour notre salut, vous préférez adorer l’inconnaissable Allah (Coran 6.50,59,103 ; 7.188 ; 11.31 ; 20.110 ; 27.65 ; 42.4 ; 72.26 ; 112.2), qui ne prend pas le risque, lui, de se montrer …

Bref, nous vous demandons de cesser d’enseigner que les chrétiens sont idolâtres, et de comprendre une bonne fois pour toutes que, de même qu’une image n’est pas forcément une idole, n’importe quoi peut servir d’idole, y compris Allah, le Coran et Mahomet, du moment que cela détourne de l’adoration de l’unique et vrai Dieu, qui S’est incarné, rendu visible pour que nous Le connaissions, non sur les omoplates d’un chameau, mais dans le sein de la Vierge Marie (Coran 2.87,253 ; 3.42,45 ; 19.21). À Lui, « au roi des siècles, immortel, invisible, seul Dieu, soient honneur et gloire, aux siècles des siècles ! Amen ! (1 Tm 1.17) »

J’espère sincèrement que vous ferez bon accueil à la demande de rectification de l’enseignement erroné que je viens de dénoncer, et que vous saurez lui donner tout l’écho possible, pour votre salut et pour celui de notre pays.

C’est dans cet esprit que je vous prie d’agréer, Messieurs les Présidents, Monsieur le Recteur, l’expression de mes respectueuses salutations.

Abbé Guy Pagès