Time is money

Luther, voulant exalter la foi et elle seule, crut pour cela devoir humilier la raison, jusqu’à la traiter de « putain du Diable » [Erlang, 49, 229 (1538)]. Pour lui, la raison humaine n’est bonne qu’à traiter des choses de la terre, mais non de celles du Ciel, en lesquelles elle ne pourrait que « blasphémer et déshonorer tout ce que Dieu dit ou fait. » [Erlang, 29, 241 (1524-1525)].

Ce n’est pas un hasard si protestantisme et islam ignorent la vie contemplative. Aussi, toute leur vie et leur salut se passent-ils occupés aux choses de ce monde. Mais à l’inverse du musulman qui voit son efficience annihilée par le fatalisme (Inch’Allah ! On y peut rien ! Mektoub ! C’est écrit !), le protestant, parce que privé de la médiation de l’Église entre lui et Dieu, ne pouvant donc compter que sur lui pour faire son salut, trouve dans son individualisme un moteur hyper efficace en termes d’initiatives et d’efforts personnels. Et c’est ainsi que le primat de l’action sur la contemplation, l’hérésie de l’activisme, a fait de la société américanisée « une conspiration contre la vie intérieure » en dépit de l’avertissement de Jésus : « A quoi sert-il de gagner même le monde entier, si on le paye de son âme ? » (Mt 16.26)…

Personne n’est prédestiné à l’Enfer, comme le croient musulmans et calvinistes ! Pour eux, l’homme est sauvé ou damné et il n’y peut rien changer, aussi vrai que la volonté de Dieu est immuable, éternelle. Lorsque Dieu est cause du bien comme du mal, s’ensuit nécessairement un culte rendu au mal, et une peur, permanente… L’islam et le protestantisme ne croient pas à la vieille hérésie du manichéisme pour qui le bien et le mal sont deux principes équivalents, ils croient à un seul principe de tout, Dieu, mais Dieu qui veut le mal, les souffrances, et l’Enfer éternel, pour la plupart d’entre nous ! Luther n’écrivait-il pas : « Tout ce qui arrive, arrive selon les décrets irréversibles de Dieu. C’est donc la nécessité et non la liberté qui est le principe directeur de notre conduite. Dieu est l’auteur de ce qui est mauvais en nous comme de ce qui est bon, et, de même qu’il appelle au bonheur ceux qui ne le méritent pas, de même en damne-t-il qui ne méritent pas leur sort. » (De Servo Arbitrio, 7,113).
Pour Luther, l’homme est si fondamentalement corrompu qu’il ne peut participer à son salut, aussi, Dieu est-Il, seul, responsable du salut ou de la damnation des hommes. Croyance partagée par les musulmans, et qui explique que la liberté n’étant pour eux qu’un leurre, ils la haïssent… Se croire privés de liberté et sous l’arbitraire d’un Dieu auteur du bien et du mal, voilà les ingrédients rêvés pour établir le règne tyrannique de Satan !

L’esprit protestant a engendré l’économie contemporaine de cette façon : 1) le mépris de la contemplation et l’accomplissement de nos devoirs temporels comme seule façon de plaire à Dieu, a exalté le travail ; 2) la réussite temporelle considérée comme gage d’élection divine a fait de la recherche de la richesse la principale activité de l’homme ; 3) mais la richesse destinée non à satisfaire les besoins naturels de l’homme, ce qui est contraire à l’ascèse puritaine, mais la richesse destinée à être signe du salut, et donc valeur en soi, le but du travail devenant le profit, l’argent ; 4) l’argent devenu une valeur en soi, l’usure a été réhabilitée et est devenue le principe du capitalisme et de sa célèbre devise : « Le temps, c’est de l’argent ! ». Eh bien non ! Le temps, c’est beaucoup plus que de l’argent, c’est notre vie qui nous est donnée pour que nous puissions mériter de vivre avec Dieu pour toujours ! C’est pourquoi Jésus disait que l’on ne pouvait aimer Dieu et l’Argent (Lc 16.13)… « La racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent. Pour s’y être livrés, certains se sont égarés loin de la Foi et se sont transpercés l’âme de tourments sans nombre. » (1 Tm 6.10).

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