Ep 6.10-17 ; Mt 18.23-35
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Loué soit Jésus-Christ !

Chers frères et sœurs, votre abbé m’a demandé de vous adresser l’homélie de ce dimanche. Je le remercie très sincèrement de son estime, qui m’introduit au cœur de l’évangile de ce dimanche, puisqu’il y est justement question de don immérité… Puissè-je ne pas imiter le serviteur gracié, mais malfaisant, en vous ennuyant…
Je ne vais pas vous parler d’islam, comme vous pourriez peut-être le subodorer, ce que peut-être je ferai une autre fois, dans un autre cadre que celui d’une homélie, où je me dois de commenter les textes de la liturgie du jour. 

Par la parabole que nous venons d’entendre, Jésus rappelle que nous sommes des débiteurs insolvables de Dieu, représenté par ce roi, si riche et si miséricordieux, mais aussi si juste. Nous sommes insolvables parce que nous Lui devons tout, à commencer par notre existence, et parce que nous ne pouvons pas effacer nos péchés. Nous sommes donc ses débiteurs à un double titre. Et lorsque nous voulons rembourser notre dette, nous ne pouvons le faire qu’avec l’argent que nous Lui empruntons, en sorte que notre dette ne cesse de s’accroître … Mais reconnaître que nous ne sommes pas à l’origine de notre existence, dont nous ne pouvons avancer ni retarder la fin, pas plus que rendre un seul de nos cheveux noir ou blanc, conduit à faire une confiance absolue à Celui qui nous a voulus de toute éternité, et qui plus est, a expié nos péchés sur une croix. Comment la gratuité de notre existence, et l’amour de Jésus, ne feraient-ils pas déborder notre cœur de reconnaissance ? Lorsque Pascal a compris cela, à l’instant de sa conversion, il s’est exclamé : « Joie ! Joie ! Joie ! Pleurs de joie ! » Reconnaître la gratuité de notre existence et l’amour de Jésus devrait nous faire sauter de joie toute la journée ! Nous ne pensons pas assez à la chance que nous avons d’exister, au fait que nous aurions pu ne pas exister … et à la grâce qui nous est offerte d’échapper à l’engrenage du péché pour renaître en Dieu ! Comment ce bonheur infini ne nous rendrait-il pas miséricordieux à notre tour ? C’est la leçon de cette parabole, aussi simple qu’exigeante, oubliée que salutaire. Le chapitre IV de l’Épître aux Romains aurait pu avantageusement remplacer notre première lecture, tant il illustre cette bonne nouvelle : « Celui qui ne peut se prévaloir de ses œuvres, mais croit en Celui qui justifie l’impie, sa foi le sauve. (…) Heureux l’homme à qui le Seigneur n’impute pas son péché ! (Rm 4.1-8) »

L’abyssale dette financière sur laquelle repose désormais l’économie de notre pays semble n’être là que pour rappeler celle que nous devons à Dieu … Reprendre conscience et accepter notre dépendance absolue à l’égard de Dieu s’impose comme une nécessité absolue, à défaut de quoi, l’homme sera livré à l’esclavage dont le propre est de considérer l’être humain non comme une personne, créée à l’image de Dieu, mais comme une chose, un produit que l’on peut fabriquer et donc éliminer. Le relativisme, la négation de la Vérité qui est Dieu aboutit à l’autodestruction, au suicide, quand bien le transhumanisme cherche-t-il à cacher cette désespérance en proposant un paradis fait de prothèses. Ou l’homme reconnaît sa dette à l’égard de Dieu, et cherche à la payer en se montrant humain, à l’image de Dieu, ou il devient un bourreau pour l’humanité.

Le Roi de la parabole, Dieu, demande des comptes. C’est son droit, le minimum qu’il puisse faire, car si l’amour est libre et ne s’impose pas, la justice est le prérequis de toute relation, et donc s’impose ! Que serait la miséricorde sans la justice ? La miséricorde n’annule pas la justice, mais suspend, un temps, les arrêts du Jugement, pour permettre la conversion et le salut. La justice révèle la miséricorde comme la miséricorde accomplit la justice. En effet, le pénitent qui reconnaît sa dette et glorifie la miséricorde en se montrant à son tour miséricordieux, accomplit ainsi ce qui est juste. Accueillir le don de la Miséricorde divine manifestée en Jésus rend capable d’aimer comme Dieu : « Comme le Père M’a aimé, Moi aussi Je vous ai aimés. Demeurez en Mon amour. (Jn 13.34) » Comment ne pas sauter de joie ?!
« La Loi fut donnée par Moïse, mais la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. (Jn 1.17) » Moïse a reçu la loi sur des tables de pierre, mais les chrétiens ont reçu l’Esprit Saint, c’est-à-dire l’Amour de Dieu, en leur cœur, devenu loi vivante et vraie. La Loi a été donnée pour que l’homme demande la grâce, et la grâce est donnée pour que nous accomplissions la Loi. « Donne ce que tu commandes et commande ce que tu veux » : la prière de saint Augustin noue le lien entre grâce de Dieu et liberté de l’homme, entre don et devoir. Car si recevoir la miséricorde de Dieu conduit à l’exercer, inversement, on ne peut recevoir la miséricorde de Dieu sans l’exercer, et ce sans limite : « Si vous ne pardonnez pas du fond du cœur, votre Père céleste ne vous pardonnera pas non plus. (…) Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. (Mt 6.15 ; 10.8) » Aussi prions-nous en disant : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé. » Nous voyons bien qu’être chrétien dépasse les forces humaines et implique de vivre en communion avec Jésus, qui accomplit en nous à la fois le vouloir et le faire (Ph 2.13). Ce n’est pas sans raison que Jésus nous a commandé de nous aimer lors de Son dernier repas (Jn 15.9), puisqu’Il S’y est donné Lui-même et continue à S’y donner … Là, Jésus a donné et donne aux chrétiens la force de vivre, de souffrir et de mourir pour Lui, avec joie, tant il est vrai que recevoir Dieu nous délivre de tout attachement à ce qui n’est pas Lui, nous rend libres de tout ! Ainsi Jésus peut-Il régner sur terre comme au Ciel… « Je vous donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés. À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns pour les autres. (Jn 13.34-35) » « Grande chose que l’amour, disait saint Bernard, si du moins il remonte à son principe, s’il retourne à son origine, s’il reflue vers sa source, pour y puiser sans cesse son éternel jaillissement. De tous les mouvements de l’âme, de ses sentiments et de ses affections, l’amour est le seul qui permette à la créature de répondre au Créateur, sinon d’égal à égal, du moins dans une réciprocité de ressemblance. (Sermon sur le Cantique des cantiques, 83, « Sources Chrétiennes », no 511, Paris, Cerf, 2007) » N’est-ce pas ce que nous faisons à chaque messe lorsque nous nous offrons à Dieu en hostie vivante et sainte (Rm 12.1) « par Jésus, avec Jésus et en Jésus » ? « Quand Dieu aime, Il ne veut rien d’autre que d’être aimé. Car il n’aime que pour être aimé, sachant que ceux qui l’aimeront seront bienheureux par cet amour même. (Saint Bernard, op. cit.) »

La législation du jubilé de l’Ancien Testament (Lv 25), qui prévoyait tous les cinquante ans la libération des esclaves, la restitution des terres aliénées, la remise des dettes, enseignait ainsi combien Dieu voulait que la miséricorde vînt au secours de la pauvre justice humaine. C’est dire aussi que la religion ne peut rester cantonnée au domaine privé … et Benoît XVI a notamment milité pour que le principe de gratuité et la logique du don trouvent leur place dans les relations marchandes comme expression de la fraternité et de la Bonté de Dieu (Caritate in veritate, n°36). Il y a deux sortes de dettes. La première sorte de dette résulte d’une situation de précarité, qui oblige à la solidarité sous peine de péché, et jusqu’à son annulation si le débiteur ne peut réellement rembourser. Telle est la loi donnée par le Seigneur : Le prêt entre personnes ou sous forme de microcrédit doit inclure le principe de solidarité. La seconde sorte de dette relève de l’économie où le principe de la dette et du crédit est une forme de financement permettant de recevoir une part du rendement produit par l’investissement. Que sa finalité puisse être peccamineuse, comme toute activité humaine, n’enlève rien à sa légitimité. Mais emprunter pour payer les intérêts de précédents emprunts qui servent à payer eux-mêmes d’autres emprunts, comme on le voit aujourd’hui dans la gestion de la maison France et l’économie mondialisée, conduit à se retrouver tôt ou tard en prison pour vol et escroquerie en bande organisée, et en tout cas esclaves des financiers. Le financement avec l’argent public d’associations, de fonctionnaires, de médias, d’entreprises, d’ONG qui sont au service non des Français mais de l’État, est certainement illégal, comme sont immorales des lois finançant la fabrication d’enfants par PMA et GPA tandis que des familles frappées par le deuil, la maladie ou le chômage sont livrées à la misère. Les frais d’un avortement sont remboursés à 100%, mais pas ceux d’un accouchement. Comment mieux dire que le démon règne en lieu et place de Jésus-Christ ? Faire cesser ces abominations et cette gabegie permettrait de réaliser des économies chiffrées à 250 milliards d’euros … De quoi changer radicalement l’avenir de notre pays. Mais encore faut-il le vouloir et en prendre les moyens.

Et pour cela, parce que, comme le rappelle la première lecture, nous nous battons non contre des êtres de chair et de sang, mais contre les démons, il nous faut endosser l’armure de saint Paul, composée du :

Ceinturon, par lequel est donné au corps, stabilité, fermeté et unité, comme l’amour de la Vérité nous garde et nous protège de la dispersion, de la distraction, par lesquelles le Démon veut détruire notre unité intérieure et nous transformer en légion. Ce à quoi s’emploie par exemple le Ministre de l’Éducation nationale en imposant à la fonction publique le respect du choix des enfants de leur genre … Au lieu de les aider à unifier leur être, l’école publique travaille à l’éclater ! « Le monde moderne est une conspiration contre la vie intérieure » disait Bernanos. Aussi, en refusant de mentir, de nier la volonté de Dieu, un disciple de la Vérité se maintient dans l’unité de l’être, et échappe au Diable, le père du mensonge !

La cuirasse : Elle préserve, ou au moins atténue les coups qui nous sont portés, comme notre pratique de la justice nous garde du péché et nous protège des attaques du monde, qui ne dira rien des plus grandes fautes de ses serviteurs, mais mettra sa joie à dénoncer la moindre erreur, même matérielle, même accidentelle, des serviteurs de Dieu. Notre pratique de la justice nous garde de donner prise aux calomnies de nos ennemis cherchant à nous convaincre devant tous que nous sommes mauvais, que nos intentions sont intéressées, alors que nous ne voulons que faire la Volonté de Dieu, même au prix de notre vie.

Les chaussures : Elles permettent de marcher malgré les défauts du sol. Pieds nus, nous n’avançons pas vite, mais le zèle à témoigner de l’Évangile nous porte si bien vers le Ciel que déjà nous ne touchons plus terre ! Mon fardeau est léger (Mt 11.30), dit Jésus, nous invitant à porter notre croix (Mt 10.38). Le zèle à témoigner de l’Évangile nous rend beaucoup moins sensibles aux moqueries, aux scrupules, aux persécutions, et à tout ce qui retarde l’accomplissement de la Volonté de Dieu en nous et par nous. Rappelons-nous que nous n’avons la foi que dans la mesure où nous la donnons (Rm 10.8-10)… On ne possède que ce que l’on donne…

Le bouclier de la Foi : nous permet d’arrêter toute pensée, tout propos venant apporter la mort à notre âme, par le doute, la tristesse, le découragement, le désespoir. Car la Foi nous donne de connaître la Vérité, le mystère même de Dieu (Jn 17.3). Or, co-naître, naître avec Dieu, nous donne de partager Sa parfaite immuabilité, Son ineffable paix, Son éternelle sainteté. Alors, participant de la nature divine (2 P 1.4), nous sommes les grands vainqueurs en Celui qui nous a tant aimés (Rm 8.37) et fait tourner toute chose au bien de ceux qui L’aiment (Rm 8.28) !

Le casque : protège la tête, comme l’assurance de notre salut en Jésus (1 Jn 5.13) protège le siège de nos pensées, le centre de commandement de notre vie, le siège de notre liberté, d’aller chercher ailleurs notre salut. Par notre baptême, nous avons reçu la vie éternelle. Dès lors, nous n’avons plus à nous demander, angoissés, si oui ou non nous serons sauvés, comme le font les hommes des autres religions. Mais ce que nous avons à faire, c’est à ne pas perdre notre salut, et pour cela, à le faire fructifier, car « Celui qui a, on lui donnera, mais celui qui n’a pas, même ce qu’il croit avoir, on le lui prendra. (Mt 13.12) »

Avec le glaive de la Parole de Dieu nous portons des coups à l’adversaire pour le tuer ou le blesser. Un chrétien vainc son ennemi lorsqu’il l’amène à se convertir. Les coups qui tuent font passer l’ennemi dans notre camp, et ceux qui « blessent » touchent le cœur de nos ennemis en préparant leur conversion. La Parole de Dieu a une puissance incomparable, encore faut-il la connaître. « Mes paroles sont esprit et elles sont vie (Jn 6.63 ; Mt 4.4,6,10) » dit Jésus, qui a vaincu le Démon dans le désert chaque fois en citant les Saintes Écritures, qui « sont utiles pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice (2 Tm 3.16) ».

Bref, en ces temps où Dieu nous fait encore miséricorde, tandis que s’accroissent les dettes, payons les nôtres, en étant charitables envers les malheureux, et inflexibles envers les pécheurs endurcis (2 Co 6.7).