Riposte Laïque : Bonjour, Myriam. Que s’est-il passé ce samedi 17 avril 2010 à Perpignan pour votre bébé, votre époux et vous-même ?
Myriam Picard : Dans la nuit du 17 au 18 avril, nous étions assis dans le salon, mon mari et moi, et regardions une émission de télévision. Notre fille de huit mois dormait. Vers 23h30, débuta un premier de ces nombreux rodéos à scooter qu’affectionnent les « jeunes » qui envahissent régulièrement les rues du centre-ville de Perpignan. Mon mari passa donc la tête par la fenêtre, et leur demanda poliment, malgré l’exaspération qui commençait, de faire moins de bruit, tout en attirant leur attention sur le fait que c’est une rue piétonne. Ils l’insultèrent copieusement, et nous promirent à tous les deux de nous « baiser » et de nous « enculer ».
Lassés, nous fermons les fenêtres et prévenons – sans trop y croire – la police. Vingt minutes plus tard, le vacarme de leur course reprend, encore plus assourdissant. A bout de nerfs – car il faut bien comprendre que ce genre de situation est quotidien à Perpignan – mon mari saisit une carafe, et leur jette le contenu de l’équivalent d’un verre d’eau qui y restait.
Immédiatement, des hurlements fusent, des insultent partent. En l’espace de deux, trois minutes à peine, par téléphone, par cris, ils se rassemblent et se retrouvent à quinze, environ, sous nos fenêtres. Une dizaine d’entre eux se saisissent de morceaux de carrelage cassés qui traînaient dans un seau, et commencent à les jeter sur nos vitres – ouvertes, à cause de la chaleur ; nous nous précipitons dessus pour les fermer, et nous appelons la police. Alors même que j’ai la police au bout du fil, nous entendons des bruits violents provenant de la porte de notre appartement.
Ils sont quatre, cinq environ – du moins est-ce l’impression que j’ai eue, à travers les voix que nous entendions – à être montés à notre étage, et ils défoncent la porte ; laquelle, solide, entraîne, sous la force de leurs coups, le mur. Paralysés par la surprise et l’incompréhension, nous les entendons défoncer le mur, faire voler le plâtre et les briques, et nous hurler des « on va baiser ta Blanche », des « sales Céfrans », et autres « nique ta race ».
Au moment où je vois le mur décoller littéralement de sa base, je réveille ma fille, l’emporte avec moi dans les toilettes dont je verrouille la porte, et rappelle la police. Mon mari, lui, se tient derrière la porte, sa petite bombe lacrymogène à la main, et voit le mur se fendre un peu plus à chaque seconde. Terrifiée par les coups qui résonnent dans tout l’appartement, je rappelle, une nouvelle fois, la police qui m’annonce qu’ils viennent justement d’arriver sur place, que cela a fait fuir nos agresseurs, et que je peux sortir.
La BAC (brigade anti-criminalité), qui est arrivée très vite, a réussi à en attraper un, et me demande si je le reconnais. Il se trouve que oui, grâce à la tenue très voyante (un polo de foot orange fluo très repérable la nuit). Le « gamin », comme nous l’avons appris plus tard par la police, a nié les faits qui lui étaient reprochés, et a pu être récupéré, une heure plus tard, par sa maman, puisqu’il est mineur. Personne n’a été dupe, puisque, à quinze ans, ce jeune garçon bien connu des services de police n’en est, après tout, qu’à sa 122ème inculpation – sans compter notre affaire !
La suite n’est pas plus réjouissante. Ils avaient tellement enfoncé le mur que le verrou trois points, tourné à double tour, était bloqué. Impossible pour les pompiers d’ouvrir la porte sans finir d’abattre le mur. Nous avons donc, à une heure du matin, dû être évacués par la fenêtre, mon mari, ma fille et moi. Après avoir déposé notre fille chez une amie, nous sommes allés porter plainte au commissariat central.
Riposte Laïque : Avez-vous eu peur d’être lynchés ?
Myriam Picard : Oui, et cette angoisse était fondée, je vous assure. Quand une telle sauvagerie se manifeste, de cette façon, avec un tel nombre de participants, dans un espace de temps aussi réduit (car du début à la fin ça n’a pas duré plus de quatre minutes), et qu’à la violence réelle, matérielle et constatable (il n’y a qu’à voir l’état de notre mur), s’ajoute la violence des insultes et des propos, vous sentez bien qu’il ne s’agit pas d’une mascarade, mais bien d’un désir de détruire.
Riposte Laïque : Quel était le profil de vos agresseurs ?
Myriam Picard : Ils avaient entre quinze et vingt-deux ans, je dirais. Jeunes, certains juchés sur des scooters, d’autres sur des vélos, quelques-uns à pied. Et tous d’origine maghrébine, à part un Noir sur un scooter.
Riposte Laïque : Les aviez-vous déjà rencontrés dans le quartier ?
Myriam Picard : Le terme « rencontrer » ne convient pas exactement à la situation. Nous croisons tous, un jour ou l’autre, un de ces jeunes, montés quelquefois jusqu’à trois sur leurs bécanes, sans casque, et qui terrorisent littéralement piétons et automobilistes par leur attitude très clairement conquérante et menaçante. Quand ils sont à pied, c’est toujours par groupes, et on sent qu’il vaut mieux ne pas passer trop près d’eux, car le moindre geste est prétexte à une manifestation de violence de leur part. Nos agresseurs avaient le même profil…
Riposte Laïque : Y habitent-ils ?
Myriam Picard : Pas exactement, mais ils sont tout près. Il faut bien comprendre que Perpignan est une petite ville, et que l’hyper-centre touristique et commerçant touche le quartier gitan (Saint-Jacques), et le quartier arabe (Saint-Matthieu et Saint-Martin) : en gros, c’est comme si Saint-Germain-des-Prés était à deux pas de Barbès. Du coup, cette proximité leur permet de polluer tout le centre-ville et de menacer régulièrement, par leur attitude, commerçants et habitants.
Riposte Laïque : Avez-vous perçu des signes avant-coureurs de l’animosité de ces « jeunes » à l’encontre de votre famille ?
Myriam Picard : Oui, si je compte la fois où traversant une rue avec ma fille dans sa poussette, un « jeune » m’a foncé dessus, m’obligeant à courir pour ne pas nous faire écraser, nous faisant ici tomber, se retournant et rigolant. Oui, si je compte la fois où, me faisant bousculer par un gosse de treize ans alors que j’étais enceinte de sept mois, je l’ai prié de s’excuser, et ai entendu en retour : « sale suceuse de Céfran, je vais t’enculer ».
Riposte Laïque : Le quartier historique de Perpignan, où vous habitiez, est-il ce qu’on appelle un « quartier populaire » ou une « zone sensible » (1) ?
Myriam Picard : Ni l’un, ni l’autre. Mais un centre-ville ravissant, avec de petites rues piétonnes, des magasins chics, de petits bistrots…
Riposte Laïque : Y habitiez-vous depuis longtemps ?
Myriam Picard : Un an et demi.
Riposte Laïque : D’autres familles sont-elles aussi victimes de harcèlement ou d’agressions ?
Myriam Picard : Oui, mais les gens baissent les yeux et ont peur de porter plainte. Surtout les commerçants. Ils sont à bout, et épuisés. Ils ne savent plus vers qui se tourner pour que la situation change. Ils ne peuvent pas se permettre de déménager : ils ont leur clientèle, leur vie, leur famille ici. Alors ils négocient, font fonctionner leurs assurances quand la vitrine est défoncée, quand on a mis de la colle dans leur serrure ou quand il y a tellement d’excréments étalés sur leur devanture qu’ils ne peuvent pas rentrer dans leur boutique.
Riposte Laïque : Et les touristes ?
Myriam Picard : Je n’en sais rien, très franchement. Ce que je peux vous dire, en revanche, c’est que les amis qui sont venus nous voir, ont tous été littéralement ébahis de voir ce qui se passait en bas de chez nous, et dans les rues du centre-ville, à toute heure du jour et de la nuit. Et ils habitent tous Paris…
Riposte Laïque : N’est-ce pas aberrant que la police vous conseille de déménager, c’est-à-dire que ce sont les victimes qui sont obligées de fuir et non les agresseurs qui sont mis hors d’état de nuire ?
Myriam Picard : C’est surréaliste, bien évidemment. Mais dans une zone de non-droit, ce genre de considérations n’a hélas plus cours…
Riposte Laïque : Quel est l’état d’esprit de la municipalité face à ces événements ?
Myriam Picard : Le maire nous a envoyé une très jolie lettre, pour nous dire combien il était désolé, ce qui, comme vous pouvez vous en douter, a totalement effacé notre traumatisme… L’adjoint au maire chargé de la sécurité, avec qui j’ai obtenu un rendez-vous, était extrêmement désolé lui aussi. Et m’a assuré que notre plainte permettra peut-être d’appuyer un dossier de demande d’installation de caméra de vidéosurveillance.
Riposte Laïque : Et l’état d’esprit de la police ?
Myriam Picard : La police, eh bien la police est démunie. Les deux brigadiers qui nous ont reçus étaient à la fois furieux et écœurés. Parce que ce sont toujours les mêmes qu’ils mettent en garde à vue, et que ces derniers sont systématiquement remis en libertés par les magistrats. Quant aux pauvres petits mineurs interpellés – comme le gamin de quinze ans – eh bien dans le meilleur des cas, quand vraiment un procureur juge qu’il a été très vilain, il est envoyé dans un foyer où on lui propose des vacances au bord de la mer…
De toute façon, la police a des ordres, et des ordres très clairs, quant à la conduite à adopter. On verbalise un livreur parce qu’il passe plus de cinq minutes à stationner en warning, mais le voyou qui brûle le feu rouge sur un scooter volé n’est pas poursuivi, par crainte d’une émeute ou d’une « bavure »…
Riposte Laïque : La presse locale n’a pas mentionné le caractère raciste des injures et de l’agression (2), contrairement aux sites de réinformation, Novopress (3) et Radio-Courtoisie (4) par exemple. Ressentez-vous cela comme une chape de plomb ?
Myriam Picard : Oui, c’est évident. Si nous avions été une famille noire, et que nous avions été agressés par de jeunes hommes blancs, l’affaire aurait fait la une et aurait permis aux médias nationaux de souligner, une fois de plus, combien les Français de souche sont racistes, discriminent, etc., etc.
Riposte Laïque : Ne craignez-vous une récupération politique par les Identitaires et l’extrême-droite ?
Myriam Picard : Il y a fort à parier que ça va les tenter ; mais c’est le jeu politique… C’est pourquoi nous tenons absolument à être très clairs et fermes dans nos propos. Nous sommes dans la lignée du discours d’une Malika Sorel, par exemple. Le problème est que cette chape de plomb dont vous parliez fait que, à part vous et quelques autres associations, la plupart des médias qui racontent notre agression sont d’essence identitaire. C’est le résultat de l’hypocrisie et de la désinformation de la plupart des grands médias nationaux français…
Riposte Laïque : Avez-vous déménagé loin de l’endroit où vous habitiez ?
Myriam Picard : Oui. Nerveusement, psychologiquement, nous ne pouvions pas rester là-bas, c’était trop dur. Après ce que nous avons vécu, il aurait été encore plus difficile pour nous de devoir baisser les yeux quotidiennement et d’accepter une situation intolérable.
Riposte Laïque : D’autres familles ont-elles déjà quitté le quartier ?
Myriam Picard : Oui. Après des mois passés dans le bruit, les intimidations larvées et les agressions multiples, de nombreuses personnes déménagent en périphérie de la ville, à la campagne.
Riposte Laïque : Avez-vous contacté des associations antiracistes ? Quelles ont été leurs réactions ?
Myriam Picard : L’antenne locale du MRAP m’a assurée d’abord verbalement de son soutien. Mais l’avocat qui m’a reçue a, juste après cette phrase obligatoire eu égard à leur statut et à leur mission, demandé avec insistance si j’étais sûre que mon mari ne les avait pas provoqués, d’une façon ou d’une autre. Et a eu un air soupçonneux quand je lui ai dit que j’étais incapable de fournir la moindre attestation d’un voisin (qui aurait entendu les insultes raciales), dans la mesure où elles ont été proférées sur notre palier, à l’intérieur de notre immeuble, et que notre unique voisin est un vieillard sourd de quatre-vingt ans… Nous savons tous pertinemment, une fois de plus, que si nous avions été arabes et nos agresseurs blancs, il aurait été évident et indéniable, pour le MRAP, qu’il y avait eu racisme.
Il y a néanmoins un communiqué du MRAP qui annonce qu’ils sont prêts à nous aider (6). En revanche, ils n’ont pas saisi les médias comme ils le font habituellement…
Riposte Laïque : Où en êtes-vous de vos démarches judiciaires ? Les agresseurs ont-ils été identifiés ?
Myriam Picard : Nous sommes décidés à nous battre pour que l’agression dont nous avons été victimes soit reconnue par la justice et que les coupables soient sanctionnés à la mesure de leur faute.
Riposte Laïque : Et nous et nos lecteurs, que pouvons-nous faire pour vous aider ?
Myriam Picard : Harceler les médias, écrire au préfet et au maire de Perpignan, afin qu’ils prennent leurs responsabilités et tiennent, enfin, le discours de vérité que les Français sont en droit d’exiger d’eux. Si cela n’advenait pas, il y a fort à parier qu’un beau jour nos compatriotes se feront justice eux-mêmes.
Propos recueillis par Roger Heurtebise
(1) PERPIGNAN-Le-ras-le-bol-de-Vivre-ensemble-1205824.php5
(2) PERPIGNAN-Refugiee-aux-toilettes-avec-le-bebe-ma-femme-a-telephone-a-la-police-1196759.php5
refugiee-aux-toilettes-avec-le-bebe-ma-femme-a-telephone-a-la-police-166745.php
(3) ils-echappent-de-peu-a-un-lynchage-anti-francais-ils-temoignent/
(4) http://blip.tv/file/3533914/
(5) agression-de-marc-henri-myriam-et-leur-petite-fille-reaction-du-mrap-66/
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