Des diverses lois : la loi éternelle
— Y a-t-il plusieurs sortes de lois qui puissent nous regarder et qui nous regardent en effet ?
— Oui, il y a plusieurs sortes de lois qui peuvent nous regarder et qui nous regardent en effet.
— Quelles sont ces diverses sortes de lois qui peuvent nous regarder et qui nous regardent en effet ?
— Ce sont : la loi éternelle, la loi naturelle, la loi humaine et la loi divine.
— Qu’entendez-vous par la loi éternelle ?
— J’entends, par la loi éternelle, la loi suprême, qui régit toutes choses, et de laquelle dépendent toutes les autres lois, qui n’en sont que des dérivations ou des manifestations particulières.
— Où se trouve la loi éternelle ?
— La loi éternelle se trouve en Dieu.
— Comment cette loi est-elle manifestée dans les choses ?
— Cette loi est manifestée dans les choses par l’ordre même des choses tel qu’il se déroule dans le monde (q. 93, a. 4-6).
La loi naturelle
— La loi éternelle se trouve-t-elle aussi participée dans l’homme ?
— Oui, la loi éternelle est aussi participé dans l’homme.
— Comment s’appelle la manifestation ou la participation de la loi éternelle dans l’homme ?
— Elle s’appelle la loi naturelle.
— Qu’entendez-vous par la loi naturelle ?
— J’entends cette lumière innée de la raison pratique, dans l’homme, qui est appelée à faire que l’homme se dirige lui-même et produise sciemment des actions, qui seront, par voie d’action consciente, l’exécution de la loi éternelle, comme les actions naturelles, produites par les agents naturels en vertu de leur inclination naturelle, sont l’exécution de cette même loi, par mode d’action inconsciente.
— Y a-t-il un premier principe de cette raison pratique ou un premier précepte de cette loi naturelle dans l’homme ?
— Oui, c’est celui qui repose sur la raison même de bien, au sens métaphysique de ce mot, comme le premier principe de la raison spéculative repose sur la raison d’être.
— En quoi consiste ce premier principe de la raison pratique ou ce premier précepte de la loi naturelle dans l’homme ?
— Il consiste à proclamer que ce qui est bon doit être pris par l’homme et que ce qui n’est pas bon doit être laissé par lui.
— Ce premier principe ou ce premier précepte porte-t-il tous les autres ?
— Oui, ce premier principe ou ce premier précepte porte tous les autres ; et les autres n’en sont que des applications plus ou moins immédiates.
— Pourriez-vous me dire quelles sont les premières applications qui en sont faites dans l’homme ?
— Ces premières applications qui en sont faites dans l’homme sont la proclamation par sa raison du triple bien superposé qui convient à sa nature.
— Quelle est cette proclamation faite par la raison de l’homme, en vertu du premier principe de la loi naturelle, du triple bien superposé qui convient à sa nature ?
— C’est que : cela est bon, pour lui, ce qui conserve sa vie physique ou la perfectionne ; et aussi ce qui conserve cette vie dans l’espèce humaine ; et aussi tout ce qui convient à sa vie d’être raisonnable.
— Que s’ensuit-il de cette triple proclamation de la raison pratique dans l’homme ?
— Il s’ensuit que tout ce qui sera essentiel à la conservation de cette triple vie ou qui pourra concourir à son perfectionnement sera proclamé chose bonne par la raison pratique de tout homme, d’une façon subordonnée cependant, de telle sorte que, par ordre de dignité, viendra d’abord le bien de la raison, puis le bien de l’espèce, puis le bien de l’individu.
— Pourriez-vous me dire ce que proclame d’essentiel le premier principe de la loi naturelle qui regarde le bien de l’individu ?
— Ce principe proclame que l’homme doit se nourrir et ne peut jamais attenter à sa vie.
— Que proclame d’essentiel le premier principe de la loi naturelle qui regarde le bien de l’espèce ?
— Ce principe proclame qu’il doit y avoir des hommes qui vaquent à la conservation de l’espèce en acceptant les charges et aussi les joies de la paternité et de la maternité ; et qu’il n’est jamais permis de rien faire qui aille directement contre la fin de la paternité et de la maternité.
— Que proclame d’essentiel le premier principe de la loi naturelle qui regarde le bien de la raison ?
— Ce principe proclame que l’homme, étant l’œuvre de Dieu de qui il a tout reçu, et, comme être doué de raison, étant fait pour vivre en société avec les autres hommes, doit honorer Dieu comme son souverain seigneur et maître, et traiter avec les autres hommes selon que le demande la nature des rapports qu’il peut avoir avec eux.
— Est-ce de ces trois premiers principes et de leur subordination que viennent, par voie de conséquence, toutes les autres prescriptions de la raison pratique dans l’homme ?
— Oui, c’est de ces trois premiers principes et de leur subordination que viennent, par voie de conséquence plus ou moins éloignée, toutes les autres prescriptions ou déterminations de la raison pratique affirmant que telle chose est ou n’est point bonne pour tel homme et lui faisant un devoir de s’y tenir ou de la laisser.
— Ces autres prescriptions ou déterminations de la raison pratique, qui viennent, par voie de conséquence plus ou moins éloignée, des trois premiers principes de la loi naturelle, sont-elles identiques chez tous les hommes ?
— Non, ces autres prescriptions ou déterminations ne sont pas les mêmes pour tous ; car, à mesure qu’on s’éloigne des premiers principes ou des choses qui regardent pour tous essentiellement le bien de l’individu le bien de l’espèce et le bien de la raison, on pénètre dans la zone des déterminations positives, pouvant varier à l’infini selon la diversité des conditions particulières des divers hommes.
— Comment se font ces autres déterminations qui peuvent varier à l’infini, selon la diversité des conditions particulières des divers hommes ?
— Elles se font par la raison particulière de chaque individu humain ou par la raison des autorités compétentes en chacun des divers groupements humains vivant d’une vie de société déterminée.
La loi humaine
— Ces autres déterminations peuvent-elles devenir une matière ou un sujet de loi ?
— Oui, ces autres déterminations peuvent devenir une matière ou un sujet de loi.
— De quelles lois sont-elles la matière ou le sujet ?
— Elles sont la matière ou le sujet propre des lois humaines.
— Qu’entendez-vous par les lois humaines ?
— J’entends les ordres de la raison en vue du bien commun de telle ou telle société parmi les hommes, qui émanent de l’autorité souveraine en toute société et sont manifestés par elle.
— Ces ordres doivent-ils être obéis par tous ceux qui font partie de cette société ?
— Oui, ces ordres doivent être obéis par tous ceux qui font partie de cette société.
— Est-ce là un devoir de conscience qui oblige devant Dieu ?
— Oui, c’est là un devoir de conscience qui oblige devant Dieu.
— Peut-il y avoir des cas où l’on n’ait pas à obéir ?
— Oui, il peut y avoir des cas où l’on n’ait pas à obéir.
— Quels peuvent être ces cas où l’on n’a pas à obéir à une loi ?
— C’est le cas d’impossibilité ou le cas de dispense.
— Qui est-ce qui peut dispenser d’obéir à une loi ?
— Celui-là seul peut dispenser d’obéir à une loi qui est l’auteur de cette loi, ou qui a la même autorité que l’auteur de la loi, ou qui a reçu de cette autorité le pouvoir de dispenser.
— Si une loi était injuste, serait-on tenu d’y obéir ?
— Non, si une loi était injuste, on ne serait pas tenu d’y obéir, à moins que le refus d’obéissance ne causât du scandale ou n’eût de plus graves inconvénients.
— Qu’entendez-vous par une loi injuste ?
— J’entends une loi faite sans autorité, ou en opposition avec le bien commun, ou qui lèse les justes droits des membres de la société.
— Si une loi était injuste parce qu’elle s’attaque aux droits de Dieu aux droits essentiels ou de son Église, faudrait-il lui obéir ?
— Non, si une loi était injuste parce qu’elle s’attaque aux droits de Dieu ou aux droits essentiels de l’Église, il ne faudrait jamais lui obéir.
— Qu’entendez-vous par les droits de Dieu et les droits essentiels de l’Église ?
— J’entends tout ce qui touche à l’honneur et au culte de Dieu, Créateur et Souverain Maître de toutes choses ; et ce qui touche à la mission de l’Église catholique dans la sanctification des âmes par la prédication de la vérité et l’administration des sacrements.
— Si donc une loi humaine s’attaquait à la religion, il ne faudrait pas lui obéir ?
— Si une loi humaine s’attaquait à la religion, il ne faudrait à aucun prix lui obéir.
— Cette loi serait-elle une véritable loi ?
— Non, cette loi ne serait qu’une odieuse tyrannie.
La loi divine – le Décalogue
— Qu’entendez-vous par la loi divine ?
— J’entends, par la loi divine, la loi que Dieu a donnée aux hommes, en se manifestant à eux surnaturellement.
— Quand Dieu a-t-il donné cette loi aux hommes ?
— Dieu a donné cette loi aux hommes, une première fois, d’une manière très simple, avant leur chute, dans le paradis terrestre ; mais il l’a donnée, d’une façon beaucoup plus spéciale, plus tard, par l’entremise de Moïse et des prophètes ; et, d’une manière beaucoup plus parfaite, par Jésus-Christ et les apôtres.
— Comment s’appelle la loi divine donnée par Dieu aux hommes par l’entremise de Moïse ?
— Elle s’appelle la loi ancienne.
— Et comment s’appelle la loi divine donnée par Dieu aux hommes par Jésus-Christ et les apôtres ?
— Elle s’appelle la loi nouvelle.
— La loi ancienne était-elle pour tous les hommes ?
— Non, la loi ancienne était seulement pour le peuple juif.
— Pourquoi Dieu avait-il donné une loi spéciale au peuple juif ?
— Parce que ce peuple était destiné à préparer dans l’ancien monde la venue du Sauveur des hommes qui devait sortir de lui.
— Comment s’appellent les préceptes qui étaient propres au peuple juif et ne regardaient que lui dans la loi ancienne ?
— Ils s’appellent les préceptes judiciaires et les préceptes cérémoniels.
— N’y avait-il pas aussi dans la loi ancienne d’autres préceptes qui sont demeurés dans la loi nouvelle ?
— Oui, il y avait aussi dans la loi ancienne des préceptes qui sont demeurés dans la loi nouvelle.
— Comment s’appellent ces préceptes de la loi ancienne qui sont demeurés dans la loi nouvelle ?
— On les appelle les préceptes moraux.
— Pourquoi ces préceptes moraux de la loi ancienne sont-ils demeurés dans la loi nouvelle ?
— Parce qu’ils constituent ce qu’il y a d’essentiel et d’absolument inaliénable dans les règles de la moralité se rapportant à tout homme, du simple fait qu’il est homme.
— Ces préceptes moraux ont donc toujours été et seront toujours les mêmes pour tous les hommes ?
— Oui, ces préceptes moraux ont toujours été et seront toujours les mêmes pour tous les hommes.
— Sont-ils la même chose que la loi naturelle ?
— Oui, ces préceptes moraux sont la même chose que la loi naturelle.
— Pourquoi dites-vous donc qu’ils font partie de la loi divine ?
— Parce que, pour leur donner encore plus de force et pour empêcher que la raison humaine dévoyée ne les oublie ou ne les corrompe, Dieu a voulu les promulguer lui-même solennellement, quand il s’est manifesté à son peuple choisi, du temps de Moïse ; et aussi parce que Dieu les a promulgués en vue de la fin surnaturelle à laquelle tout homme est appelé par lui.
— Comment s’appellent ces préceptes moraux ainsi promulgués solennellement par Dieu du temps de Moïse ?
— Ils s’appellent le Décalogue.
— Que signifie ce mot : Décalogue ?
— Ce mot est un mot grec qui veut dire les dix paroles, parce que c’est au nombre de dix que Dieu donna ces préceptes.
— Quels sont ces dix préceptes du Décalogue ?
— Ces dix préceptes du Décalogue sont les suivants :
1°) Tu n’auras point d’autres dieux que moi ;
2°) Tu ne prendras point en vain le nom du Seigneur, ton Dieu ;
3°) Tu sanctifieras le jour du Seigneur ;
4°) Honore ton père et ta mère ;
5°) Tu ne tueras point ;
6°) Tu ne commettras point d’adultère ;
7°) Tu ne commettras point de vol ;
8°) Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain ;
9°) Tu ne convoiteras point la femme de ton prochain ;
10°) Tu ne convoiteras rien de ce qui est à ton prochain.
Ces dix préceptes suffisent-ils à régler toute la vie morale de l’homme dans l’ordre de la vertu ?
— Oui ; ils suffisent, quant aux vertus principales, qui regardent les devoirs essentiels de l’homme envers Dieu et le prochain ; mais, pour la perfection de toutes les vertus, ils ont dû être expliqués et complétés par l’enseignement des prophètes dans l’ancienne loi, et plus encore par l’enseignement de Jésus-Christ et des apôtres dans la loi nouvelle.
— Quel est le meilleur moyen de bien entendre ces préceptes et ce qui les explique ou les complète pour la perfection de la vie morale ?
— C’est de les étudier à l’occasion de chacune des vertus considérées dans le détail.
— Cette étude se fera-t-elle alors d’une manière aisée ?
— Oui, car la nature même de la vertu expliquera la nature et l’obligation du précepte.
— Sera-ce en même temps le moyen de bien entendre toute la perfection de la loi nouvelle ?
— Oui, parce que la perfection de cette loi consiste précisément dans son rapport avec l’excellence de toutes les vertus.
— Cette excellence de toutes les vertus revêt-elle un caractère particulier dans la loi nouvelle ?
— Oui, elle y revêt le caractère de conseils s’ajoutant aux préceptes.
— Qu’entendez-vous par les conseils s’ajoutant aux préceptes ?
— J’entends les invitations faites, par Jésus-Christ, à toutes les âmes de bonne volonté, de se détacher, par amour pour lui et pour obtenir une plus parfaite jouissance de lui dans son ciel, des choses qu’elles pourraient vouloir sans compromettre l’essentiel de la vertu, mais qui peuvent être un obstacle à la perfection de cette vertu.
— A combien se ramènent ces conseils ?
— Ils se ramènent à trois : la pauvreté, la chasteté et l’obéissance.
— Y a-t-il un état spécial où l’on puisse pratiquer excellemment ces conseils ?
— Oui, c’est l’état religieux.
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