Nous pouvons comparer notre existence en ce monde à celle d’un fœtus dans le sein de sa mère, qui, jour après jour, se prépare pour l’heure où il va naître à la vie du monde, qu’il ne connaît pas. Ainsi de nous qui préparons jour après jour notre naissance à la vie éternelle, que nous ne connaissons pas davantage que le fœtus ne connaît la vie du monde. Et de même que le moment où le fœtus naît à la vie du monde est le moment où il meurt à sa vie intra-utérine, de même, le moment où nous mourrons à la vie de ce monde sera celui où nous naîtrons à la vie éternelle. Si le fœtus, comme nous-mêmes, n’a pas demandé à vivre, il y a cependant une différence essentielle entre nos conditions respectives : nous avons, nous, la liberté d’accueillir la vie divine pour laquelle nous avons été créés, mais au petit enfant n’est pas donné la liberté d’accepter la vie de ce monde. Et de même que notre vie en ce monde n’a que peu à voir avec celle qui fut la nôtre dans le sein maternel, de même la vie éternelle a-t-elle peu à voir avec la vie terrestre. Pas de risque par exemple de s’y ennuyer ! Elle est un instant de joie d’une plénitude sans fin…
À la différence de la relation entre la vie intra-utérine et la vie de ce monde, la vie divine n’est pas le prolongement nécessaire de notre existence terrestre. Elle ne nous est pas due… Nous ne sommes pas Dieu ! Et pas plus que nous nous sommes donnés à nous-mêmes la grâce d’exister (si cela avait été le cas, certainement serions-nous bien différents !), personne ne va au Paradis contre sa volonté. N’y vont que ceux qui veulent y aller et en connaissent le chemin. Et ce chemin est l’Amour, qui en est aussi le but, aussi vrai que nous avons été créés par Dieu, qui est Amour (1 Jn 4.8,16), et que personne ne peut être heureux sans être aimé et aimer à son tour, raison pour laquelle Jésus nous commande de nous aimer les uns les autres comme Il nous a aimés (Jn 13.34). L’Amour, seul, donne la vie. Et parce que l’Amour suppose la liberté, existe la possibilité théorique du rejet de l’Amour, qui est Dieu, et que l’on appelle la damnation.
Si cette vie nous a été offerte gratuitement (personne n’a rien demandé ou payé pour exister), qu’est-ce qui empêche que Celui qui nous l’a donnée, mette le comble à Son amour en Se donnant Lui-même, Lui qui est la Vie éternelle (Jn 6.54 ; 10.28 ; 1 Jn 1.2 ; 5.11,20) ? Cette possibilité théorique est validée par le constat du caractère totalement gratuit de cette présente vie… source d’émerveillement infini… gratuité laissant toute liberté de penser qu’une autre vie puisse nous être tout aussi gratuitement offerte… Et cette fois-ci, une vie non plus mortelle, mais éternelle, parfaite, sainte, divine ! La vie même de Dieu… Pourquoi ne pas oser croire que Dieu, le Créateur, puisse faire cela ? Qu’est-ce qui est impossible à Dieu ? Qu’est-ce qui serait trop beau pour Dieu ? Pourquoi Dieu mettrait-Il une limite à Son amour pour nous ? Ne nous a-t-Il pas déjà donné suffisamment de gages de Sa puissance et de Son amour en nous tirant du néant, et en versant tout Son sang pour nous laver de nos péchés ?
L’existence de l’Enfer ne peut se comprendre sans la connaissance de notre raison d’exister. Mettons-nous à la place de Dieu : qu’attendrions-nous de notre créature ? Dieu veut trouver en nous rien de moins que Sa gloire, parce qu’il n’y a rien de plus grand que Sa gloire. Notre ultime raison d’être n’est donc pas seulement de connaître, aimer et servir Dieu, mais de Le glorifier ! C’est-à-dire de Lui offrir sans cesse un amour incandescent, absolu. Que Dieu trouve en nous Sa joie et Sa fierté ! Et c’est parce que notre raison d’être est si haute, qu’y manquer nous plonge si bas. La mesure de l’horreur de l’Enfer est directement proportionnelle à la sublimité de notre vocation.
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