Nous voici rassemblés au seuil de la Semaine Sainte pour célébrer l’accomplissement de la Rédemption du monde accomplie au prix de la Mort et de la Résurrection de Jésus-Christ, Lui qui, de condition divine, ne refusa pas de Se dépouiller de Lui-même jusqu’à la mort de la croix. « C’est pourquoi Dieu L’a élevé au-dessus de tout (Ph 2.9) ».
Cette élévation a été préfigurée par l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, qui a manifesté aux yeux de tous le caractère messianique de Sa mission. Le prophète Zacharie avait annoncé la venue du Messie jusque dans les détails : « Sois sans crainte, Fille de Sion, voici ton Roi, monté sur le petit d’une ânesse (Za 9.9) »… Aussi les foules d’Israël Le reconnaissent-elles en Celui qui depuis trois ans n’a cessé de dispenser au milieu d’elles les bienfaits merveilleux de Sa Miséricorde en disant la Vérité qui libère (Jn 18.37; 8.32). De même qu’à la Nativité les anges avaient loué Dieu au plus haut des Cieux, annonçant que la Naissance de Jésus apportait la Paix aux hommes de bonne volonté (Lc 2.14), de même en ce jour les disciples célèbrent-ils la Paix venue du Ciel en acclamant le Roi « doux et humble de cœur (Mt 11.29) ».
Mais Jésus sait ce qu’il y a dans l’homme (Jn 2.25), et Il ne Se fait pas d’illusion sur la qualité de la reconnaissance qui Lui est témoignée… N’est-il pas frappant que la liturgie de ce jour fasse immédiatement suivre le récit de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem de celui de la Passion ? Comme si l’Eglise ne voulait pas nous laisser goûter à la joie du triomphe humain de Jésus, mais nous garder attachés à la conscience que Jésus avait du sort qui L’attendait… et auquel Il Se livrait volontairement.
Aujourd’hui, Jésus est acclamé comme le Roi d’Israël, et dans moins d’une semaine, Il sera condamné comme l’ennemi public numéro un… Le triomphe tournera vite court et se changera en son contraire ! Il nous faut méditer sur ce brusque revirement, cette monstrueuse et assassine ingratitude, pour que pareille malédiction ne nous arrive pas. Comment expliquer ce soudain changement ? Nul doute qu’après avoir été acclamé comme le Messie-Roi, et suscité chez les prêtres la crainte de voir leur pouvoir menacé, le fait que Jésus ait encore agi en Messie-prêtre (He 3.1), en Se rendant au Temple pour le purifier de la corruption qui y régnait (Lc 19.45-46), a dû encore moins leur plaire ! Les propos qu’Il y a tenus n’étaient certainement pas à leur goût, non plus qu’à celui des marchands et de tout le peuple, ensemble si pervertis qu’ils prenaient la recherche de leurs intérêts pour des actes de piété. Les profanations du culte divin et de la Loi de Dieu provoquaient la Colère de Jésus comme elles provoquent toujours les châtiments du Ciel. Jésus voyait si bien le caractère superficiel de l’enthousiasme qu’Il suscitait et la noirceur des péchés de la Ville sainte, qu’Il pleura sur les malheurs que son refus de conversion provoquait (Lc 19.44)… J’entends Jésus dans le Temple S’écrier : “Malheur à ceux qui devraient être des saints et montrer la route de l’honnêteté, mais qui au contraire profanent le Temple de Dieu et leur propre personne ! Malheur aux chefs qui sont la principale cause des malheurs de la patrie par leur aveuglement volontaire et leurs silences coupables, allant jusqu’à justifier les péchés ! Malheur aux personnes qui acceptent d’être trompées !” Après cette sévère algarade, les prêtres ont eu beau jeu de gagner à leur projet de vengeance (Lc 19.47) la susceptibilité d’un peuple lui-aussi sommé de se convertir. Comme il est facile en effet d’être lâche, de regretter son soutien au parti de la Vérité et du Bien, lorsque celui-ci est menacé par quelque autorité ! Lorsque Satan prend possession des coeurs, alors il est facile de déclarer innocent celui qui hier était coupable, en sorte que le coupable d’aujourd’hui peut se considérer comme le pionnier du droit de demain… L’avortement devient un bien, l’homosexualité doit être légalisée, la franc-maçonnerie vénérée, l’islam honoré, les personnes honnêtes dépouillées, les parents humiliés, et les délinquants rémunérés. Lorsque disparaît l’amour de Dieu et de son culte, et donc l’origine transcendante de la Loi, il ne peut plus y avoir de Droit. C’est le retour au chaos. Alors que l’Education nationale enseigne aux enfants la débauche, et que les musulmans bâtissent des maisons de la charia avec l’argent du contribuable, obtenant même que la viande de porc soit supprimée de nos assiettes, les chrétiens ne sont plus capables de discerner en quoi leur vie chrétienne devrait se distinguer de celle des impies…
« Là se fait jour la grande responsabilité des chrétiens d’aujourd’hui. Ils devraient être des points de repère de la foi en tant que personnes qui savent quelque chose de Dieu ; ils devraient montrer par leur vie que la foi est vérité, et devenir des poteaux indicateurs pour les autres [1]. »… Si les chrétiens ne sont plus capables de montrer que la foi est vérité, ne serait-ce pas parce qu’ils ont été nourris au relativisme et à la tolérance ? Comment leur participation au culte divin, à l’offrande du Sacrifice du Christ, pourrait-elle leur permettre de se donner eux-mêmes à Dieu, de recevoir la vie divine, en sorte qu’ils puissent vivre comme Dieu fait homme, puisque si attachés à leurs affaires, ils n’ont plus souci de celles de Dieu ?
La cause intime des calamités contre lesquelles se débat accablé le genre humain, la raison de ce débordement de maux sur l’univers sont à rechercher dans le fait que Jésus-Christ et Sa loi très sainte sont écartés des habitudes de la vie individuelle aussi bien que de la vie familiale et de la vie publique. “Jamais ne pourra luire une ferme espérance de paix durable entre les peuples tant que les individus et les nations refuseront de reconnaître et de proclamer la souveraineté de Notre Sauveur“, confessait Pie XI dans l’encyclique par laquelle il instituait la fête du Christ Roi (Quas Primas, n°1). Nous venons aujourd’hui acclamer le Christ avec les foules de Jérusalem en agitant nos rameaux (comme cela se faisait dans l’antiquité pour accueillir un souverain), comme nous le faisons d’ailleurs aussi chaque jour à la Messe en chantant “Béni soit Celui qui vient au Nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des Cieux !“, et puis, demain, tout à l’heure, résisterons-nous à l’épreuve de la fidélité, ou bien condamnerons-nous nous aussi Jésus à mort, par respect humain, par notre indifférence, nos compromissions, ou le refus d’une authentique vie de prière ? C’est par nos actes que nous témoignons concrètement que la Foi est Vérité, et que la Vérité ne dépend pas de nous, et que c’est justement pour cela qu’elle peut nous libérer, nous sauver ! Les martyrs nous montrent le chemin… C’est celui que Jésus a pris, pour que nous le prenions à Sa suite, et c’est ce que nous sommes censés avoir décidé lorsque nous venons communier… Nous ne devons pas accepter les moeurs que nous imposent les serviteurs du dieu Argent, si attrayantes et bénéfiques qu’ils les présentent, pas même au motif de la charité lorsqu’ils nous demandent de coopérer à la destruction de notre nation par l’accueil incontrôlé de malheureux chassés de leur terre justement par la mise en oeuvre de leur idéologie nihiliste et mercantile, mais nous devons rendre un culte au vrai Dieu, et pour cela nous préparer à porter notre croix.
La liturgie de ce jour est un miroir pour notre vie chrétienne : notre procession des rameaux symbolise la distance qu’il nous faut parcourir pour passer d’un amour simplement humain du Christ à l’amour vraiment spirituel dont Jésus nous a aimés et dont Il veut être aimé.
Que cette fête des rameaux soit pour chacun l’occasion de s’interroger sur la nature de son attachement au Christ, comprenant bien que celui qui n’a pas la ferme volonté de rester honnête et fidèle sera bientôt transformé en Satan, en ennemi, en assassin de Dieu.
Prions et veillons beaucoup sur nous-mêmes. Satan prendra celui qui ne saura pas être fort. Jésus nous a choisis pour le Royaume des Cieux, et non pour celui du monde. Ne l’oublions pas !
Ne l’oublions pas !
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- Ratzinger(Joseph), Regarder le Christ. Exercices de foi, d’espérance et d’amour, traduction par Bruno Guillaume, Paris, Fayard, 1992, p. 45.
Si c’est celui qui vait la volonté du Pere qui entrera au Ciel (Mt 7:21), comment faire pour discerner quelle est Sa volonté?
Mettre en pratique ses commandements, ceux de l’Eglise, se former en puisant aux sources incorruptibles de l’enseignement catholique, prier, faire oraison.
Cher Abbé Pagès, bien que tout à fait d’accord avec vous, je voudrais, modestement, exprimer ma manière propre de concevoir la fête des Rameaux.
Voyant l’essentiel de l’événement dans le fait que le même peuple a pu acclamer le sauveur un jour, et réclamer sa crucifixion quelques jours après.
Je veux voir dans la coutume de la bénédiction des rameaux (de buis, chez nous), pour, entre autres choses en accrocher un brin aux crucifix de nos maisons, comme un acte d’humilité reposant sur une nécessité de lucidité salutaire.
J’y vois le rameau comme le symbole de l’illusion que nous pouvons avoir d’être capable, intrinsèquement, d’accueillir en vérité le Sauveur. L’illusion d’être déjà sauvé, avant que le sacrifice divin n’ait été vécu par l’Agneau et porte son effet par la suite que nous lui donnons pour nous.
C’est donc notre funeste illusion que nous accrochons à ce qui réalise notre salut, la Croix. Celle de Jésus qui doit induire les nôtres, à sa suite.
C’est ainsi notre éloignement d’avec le Christ que nous mettons en évidence en accrochant ce rameau au crucifix, pour mieux nous en pénétrer et nous le rappeler quand cela est utile.
De plus, le crucifix prend alors toute sa dimension de serpent d’airain qu’il nous faut regarder quand nous avons été piqué par le scorpion du péché sorti du sable de l’orgueil qui nous aveugle sur nous mêmes.
Bien à vous.
Bourgeois,
Je ne vois pas l’illusion dont vous parlez, mais il me semble que vous oubliez que la liturgie nous fait vivre dans le temps de Dieu, où il n’y a pas de temps… en sorte que nous pouvons y vivre les événements de hier comme étant actuels. De plus, les chrétiens sont réellement sauvés. Il leur faut simplement ne pas perdre ce salut, et pour cela le donner.
Cher Père,
Votre réponse me désarçonne. Hormis votre première phrase, j’ai eu du mal à établir le lien avec le contenu de mon commentaire, au point que je me suis demandé, un moment, si c’était bien à lui que vous répondiez.
Je ne vais retenir, pour l’instant, que le premier point de votre réponse, qui peut être interprétée de deux manières différentes :
– Ou bien vous ne voyez pas,
– Ou bien vous n’êtes pas d’accord avec ce que vous avez vu.
Si c’est le deuxième cas, il n’y a pas de raison de continuer à échanger sur le sujet, hormis pour que vous me donniez les fondements de votre désaccord.
Si c’est le premier cas, c’est que je n’ai pas été assez clair. Je vais donc faire comme si c’était cela et vais développer ma pensée. Peut-être ce développement vous fera-t-il percevoir mon propos comme quelque chose de recevable, ce que j’espère au plus haut point.
Nous serons d’accord, j’imagine, sur le fait que lors de l’accueil triomphal de Jésus, c’est le petit peuple habitant le quartier dans lequel il est passé qui l’a acclamé. Ce peuple est celui qui a le mieux reçu les enseignements de Jésus et celui qui a bénéficié d’un grand nombre de ses miracles. C’est ce peuple qui voyait en lui l’homme de Dieu capable de régner sur Israël, pour son salut. Il semblait donc en phase avec Jésus qu’il aimait aussi profondément que possible.
L’était-il réellement ? La suite a montré que non. Quand Jésus a été mis à terre par les Chefs religieux, la distance entre les pensées des hommes et celle de Dieu a éclaté.
Il y avait donc méprise du peuple sur ce qu’il pouvait espérer de Jésus. Il se trompait sur la nature du salut qu’il apportait. Il se faisait donc une illusion sur la relation possible avec Dieu. Si les choses en étaient restées là, cela aurait signifié que l’homme était capable de recevoir Dieu en restant ce qu’il était. Il n’avait pas besoin du chemin vers Dieu que la Passion de Jésus a révélé, la vérité de l’amour authentifié par la mort à soi-même qu’il exprime, qu’il implique, qu’il nécessite.
Actualisons cet hiatus : Notre acclamation de Jésus est-elle mieux fondée que celle du peuple des rameaux de l’époque?
Peut-être que oui, mais peut-être aussi que non. Il est sans conteste qu’elle nécessite toujours d’être purifiée de ce qui nous fait nous faire illusion sur la réalité de notre relation à Dieu.
C’est ce penchant à l’illusion qui est notre point faible, depuis toujours. Votre compréhension de l’islam montre clairement que vous le percevez. C’est là l’œuvre du diable.
Qu’est-ce qui peut ajuster le mieux notre vision de nous-mêmes, le « connais-toi toi-même » salutaire. C’est la contemplation du sacrifice pascal.
Le rameau de buis de notre acclamation doit donc en permanence être mis en référence à la seule réalité qui fonde notre espérance, la Croix de Jésus qui est le passage obligé de la résurrection, c’est-à-dire la vie réellement en phase avec Dieu.
Voilà l’illusion que je redoute plus que tout, celle d’être digne sans y mettre le vrai prix, l’amour.
Pour conclure, peut-on s’accommoder de voir la foule des rameaux, exceptionnellement enrichie des chrétiens qui ne pratiquent habituellement pas et qui s’en vont juste après la bénédiction des rameaux, sans voir l’utilité d’assister à la messe qui suit ?
Le rameau porte bonheur, n’est-ce pas de l’ordre de la superstition ?
Je préfère le rameau révélateur de ma distance avec Dieu. Est-ce que je fais fausse route ?
Bourgeois,
Tout à fait d’accord avec ce que vous venez de préciser, et que je n’avais pas du tout compris. Merci beaucoup.
Vous m’avez fait si peur !
Merci de me rassurer maintenant.
Toute autre chose, avez-vous réussi à faire héberger votre site à l’étranger, dans un pays plus raisonnable ?
Bourgeois,
J’ai effectivement demandé à ce que le site ne soit plus hébergé en Corée du Nord, mais les choses ne sont pas faciles…